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mardi 18 août 2015

Souffrance



J’en peux plus je ressasse je m’empoisonne je bouillonne de rêves inassouvis comme des bulles qui veulent crever a la surface qui cherchent le chemin. Je cherche depuis presque 2 ans maintenant à reprendre mon souffle. J’ai l’impression d’être retenu de toutes parts comme par des sangles, c’est le monde c’est la France c’est mes parents… Qu’est-ce que j’ai mais putain mais qu’est ce que j’ai… Pourtant j’ai des costumes des belles chaussures un appartement pas mal dans le 3ème, je gagne 2700 euros par mois aux dernières nouvelles.

Ah putain qu’est ce que je n’en peux plus. De cette solitude de cet empoisonnement… C’est comme si j’étais hors de la vie. Je ne vois pas le soleil, le jour passe et je ne l’ai pas vu. Je n’ai vu aucune fille, je n’ai rien appris. Je me suis débattu tout petit dans un coin minuscule du monde, dans un bureau avec des collègues de bureau et des intrigues minuscules.
J’ai peur d’être fou. Je recherche la vérité. Je pense à la vérité tout le temps, pour quoi je suis là dans le monde qu’est ce qu’on fait ici, c’est quoi le sens ? Je pense à la Bible, j’essaie de pas y penser parce que je suis tout seul, je sais que les fous ils ont des délires mystiques, les autres, les collègues, ils me voient comme un être étrange, fou ils disent parfois, ils m’écoutent un peu, ils sourient, ils haussent les épaules, ça ne les intéresse pas, ce qui les intéresse c’est que y ait pas trop de vagues…

Je me sens si seul, dépossédé, déraciné, déstructuré… C’était si bon le temps de l’école, le rythme lent des années scolaires, des boums de fin d’année et des filles qui brisent le cœur. C’était vrai.

Si prêt du but… 2700, 2800 euros par mois… Notre bureau déménagera en Belgique vers mai-juin… J’aurai un appartement avec un écran plat et un fauteuil club… Je serai gentil, je rencontrerai une gentille fille, une étudiante…

C’est important pour moi d’être là. Ca me fait souffrir mais c’est provisoire. C’est important car je me vois à ma place dans la société : porter un costume, des belles chaussures, pouvoir être fier de dire quel est mon travail si je dois en parler à une inconnue… Le problème c’est que j’en rencontre jamais des inconnues. J’ai pas le temps je finis à 20h le soir, je suis exténué, je connais personne qui m’ouvre des horizons, je pense plus qu’à bouffer et aller dormir. Et je m’écrase comme un bourgeois que je déteste être alors. J’ai la haine contre les filles, contre les gens, contre tout et tout le monde, cette ville de Paris me fait gerber, elle et ses cochonneries de trottoirs, ses putains de journaux colporteurs de cochonnerie qui excitent la populace, ses publicités partout, tous ces gens qui ne pensent qu’à s’amuser, qui vivent pour de faux, pour s’amuser, qui vivent sans aventure. Cela est inexistant, ça me revient dans la gueule à chaque fois que je tente une sortie moi l’assiégé, je n’en peux plus. De faire semblant à ce point.

Cela fait bientôt 2 ans que je n’ai plus connu les bras d’une fille… 2 ans… J’ai 26 ans. J’ai honte, j’ai très honte de ça. De ne pas être un parisien gagneur avec des bouclettes et une peau de bébé.  Je me sens vieux, nul. Je me sens laid, lourd, j’ai honte. Je perds mes cheveux, j’ai le teint blafard comme Monte-Cristo. J’ai plein de colère, les autres j’ai envie de les écraser dans ma colère, eux et leurs mensonges, eux et leur tolérance, leurs affiches de la déclaration des droits de l’homme chez eux et leurs 300 euros par jour de marge sur le cul d’un type qui a peut être des gosses à élever. J’ai envie d’être différent d’eux. Ce serait plus confortable de vivre tranquillement, moins aux aguets. Mais ils prennent toute la place, leurs egos prennent toute la place, et moi je suis expulsé du rang, compressé puis giclé au dessus, comme un joint de caoutchouc savonné.

Je ne sais plus quoi dire à mes parents. Je crois que je leur en veux. Je leur en veux d’être vieux et divorcés, de vieillir seuls dans leurs coins comme ça dans des petites parties du monde. Je leur en veux de ne pas avoir tenu mieux que ça le foyer dans lequel mon frère et moi avons grandi. A ma mère qui laissait tout en bordel, qui bouffait grossissait et bouillonnait de haine absurde contre mon père. A mon père qui laissait faire, permissif, qui laissait le bateau couler, mais qui contre moi était d’une extrême sévérité sur tout ce qui touchait au « comportement ». Il fallait que je comprenne que je gêne les autres. Mais les autres, par exemple les racailles, leurs pères leur ont au contraire dit de ne pas se laisser marcher sur les pieds. Résultat dans ma vie d’adulte, dans la « société » : moi si je disais ma vérité je serais un raciste dégueulasse, eux s’ils disaient leur vérité ils seraient des jeunes gens attachants et spontanés. J’en suis là.
J’en souffre tant de ce monde du travail, de cette France qui s’en va, surtout de ce monde du travail, de ce fric qu’il faut aller chercher sinon plus jamais c’est sûr cette fois les filles ne me regarderont, ne me feront croire à leur flatteries, comme ces « sache toujours quoi qu’il arrive que tu en vaux la peine » qu’elles ont donnés à des beaux gosses qui n’avaient besoin de rien, quand on avait dans les 18 ans, quand c’était maintenant ou jamais, quand il fallait être le premier pour pourrir leurs ventres parce que après ce serait trop tard, ce serait déjà passé.

C’est pas une vie de littérature que je veux, une vie d’intello, une vie de type bloqué par l’intellect. Ce que je veux c’est un peu d’intellect, un peu d’aventure. L’amour et la violence. Le ballet de danse classique et le virage Boulogne avec les hooligans. J’aime les deux autant. Moi le métis né le cul entre deux chaises. Je suis le gentilhomme et le voyou. Pas que le gentilhomme, pas que le voyou. Les deux.
C’est tellement affreux de ne connaitre personne. Ce sentiment de devoir se modérer au point de ce que l’on déteste pour pouvoir être socialement acceptable, accepté, et alors enfin de rencontrer des gens. Il faut être lisse, comme ca on a pas d’emmerdes au travail, comme ca c’est pas répété au manager, comme ça il a pas trop de billes dans sa musette pour te virer en cas de problème. J’aimerai tant connaitre des gens avec qui je peux parler de tout. Ne plus avoir cette épée de Damoclès dans les discussions, toujours se cacher, et puis rentrer chez soi seul, s’enterrer pour la  nuit, plus que jamais loin du beau jour.

J’ai peur d’être fou de couver un truc, des symptômes. J’ai peur aussi remarque d’être malade au moindre truc. Vache folle, sclérose, anémie…

Je suis complètement rempli et complètement vide. Mon assiette est remplie, je ne connais pas la faim depuis des années. Mon compte en banque est rempli, mon agenda est rempli pour ne pas que je m’ennuie, ma liste de choses à acheter est remplie, tout ça c’est rempli… Mais au fond je me sens vide, je tourne à vide, je me branle à vide, je rêvasse a vide, je m’invente une vie loin de la vie, à vide… C’est comme une prison. Je ne rencontre même pas une fille, même pas de nouvelles personnes, mais je pense lorsque viens l’anxiété, à je ne sais quel sens métaphysique, théologique, bon sang puisque je ne vis pas je me demande ce qu’est la vie.

Je me suis endurci terriblement pour rester dans le train en marche. Peut-être qu’en bataillant fort je monterai en grade et qu’elles me regarderont… Et sur facebook toutes les filles du primaire, du collège et du lycée qui m’ont « ajouté comme ami » et auxquelles je rêvais à l’époque pour la plupart, peut être qu’un jour elles verront mon nom quelque part et elles se diront « ah tiens oui celui là… Ah il fait ça maintenant ? Tiens et si je le contactais… » Ce serait ma victoire. Je veux de leur mains recevoir cette légion d’honneur que j’ai désiré toute ma jeunesse, à m’en tordre les mains, être confirmé, être adoubé par elles, et que ça se sache, à la face du monde, que tous, tous les autres dans la cour, qu’ils le voient. Je veux qu’elles me voient en voyou-gentilhomme, en ce que je suis vraiment mais n’ai été que trop rarement, trop subrepticement, éclipsé par la lourdeur, les parents, les responsabilités, les comptes a rendre sur mon « comportement » qui revenaient à la charge… Je veux qu’elles me voient en je ne sais quel type qui sort du lot, impétueux, étonnant, assurément fait d’une autre rage que celle, lisse, des beaux gosses. Qu’elles me voient en je ne sais quel voyou érudit, méchant et sensible, gentil et fier, qui a produit une œuvre littéraire, picturale, qui s’est illustré dans des domaines physiques, qui dégage comme ça l’idée de l’homme « bon en tout » comme ces types qui sortent de West Point, forces de la nature tout autant capables de faire le parcours du combattant que de réciter Eschyle dans le texte.

Je me sens si blessé, comme sali, souillé, par ce mode de vie indigne, sans rêve. J’ai si mal à l’idée de retourner travailler demain, à l’idée de ressasser les mêmes angoisses, les mêmes complexes de culpabilité, les mêmes anxiétés de symptôme pour les mêmes superstitions, les mêmes états d’âme, les mêmes inadaptations. Je n’ai personne a qui parler je dois être performant a tout moment, que fort, que sûr, rien d’autre. Je n’en peux plus de ça. J’ai sous-estimé les aléas, j’ai sous-estimé que l’on ne peut pas faire un schéma de sa vie, l’appliquer puis le vivre comme si c’était innocent. Il faut accepter de jouer le truc, presque comme aux dés. Cette terrible phrase au début du film No Country for Old Men. Que l’on ne maitrise pas tout, que la raison trouve ses limites, qu’on ne peut pas tout intellectualiser, pas tout contrôler contrairement à ce qu’on nous répète tous les jours dans ce boulot que je fais. Que y a une grande part d’incertitude, et qu’on y est soumis, complètement, totalement, et qu’on ne fait pas les malins. 

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