« JE
SAIS DE QUOI JE PARLE MOI LE BATARD J’AI DU FETER MES VINGT ANS
AVEC TROIS BOUTEILLES DE VALSTAR » Iam
A
Grenoble ou j’ai vécu du lycée à la fin de mes études, le
nivellement par le bas était si important que je croyais qu’être
riche c’était gagner 2000 euros par mois. Les cours que l’on
avait au lycée, loin de nous initier au monde du travail, de nous
préparer à lui, nous plaçait à des années-lumière de celui-ci.
Rien ne ressemblait à des idées d’espoir, de confiance en
l’avenir, de réussite, de certitude de joies futures, de progrès,
d’effort et de récompense d’effort. Il n’y avait rien que ce
paysage compose de racailles, de hippies sales, de bobos et de forets
d’arbres marronnasses le long des barres montagneuses. Et beaucoup,
beaucoup de temps libre pour réfléchir a tout ca.
Tout
ce temps perdu à ne pas baiser, tout ce temps perdu à ne pas
deviner sa vocation professionnelle au cours d’une discussion avec
une relation d’affaire de son père, à ne pas marcher vers
l’appartement de sa nouvelle copine un début d’après midi de
juin en écoutant la chanson de Sam & Dave « Hold
on I’m coming »,
à ne pas remporter des compétitions sportives et acquérir la
confiance en soi qui va avec, à ne pas voir son existence
reconfirmée par un croisement de regard imprévu avec une fille qui
passe, tout ce temps perdu à ne pas avoir entendu ces chuchotements
bienveillants et ces minauderies de nana amoureuse, à ne
pas être le jeune beau et léger qui arrive en retard à une soirée
dans un appartement avec des moulures au plafond, à ne pas engranger
des diplômes, à ne pas ignorer les multiples tentations
quotidiennes que sont l’angoisse, la culpabilité, et la lâcheté
du « on verra bien demain ».
A
l’approche du bac je me disais qu’il y aurait bien un déclic, et
finalement il n’y a eu aucun déclic, incapable que j’étais de
qualifier ces trucs avec lesquels je ne faisais qu’un: agoraphobie,
sentiment permanent de culpabilité, incapacité à penser à
l’avenir, ne pas me sentir à la hauteur ou digne d’un statut
élevé, pas d’énergie, et puis surtout ne pas y croire, cette
sensation globale que toute cette période de transition était
absurde.
Aujourd’hui
j’en veux tellement à ce système faible dans lequel j’ai
macéré, cet air ambiant individualiste et déconnecté, qui
encourage l’athéisme, le divorce des parents et la déprime des
jeunes, leur faisant croire que réussir c’est devenir
fonctionnaire. Je me dis que tout cela ne serait pas arrivé si ce
système était davantage pétri de valeurs morales rébarbatives, de
glorification de la famille et de l’initiative professionnelle, s’
il y avait eu des professeurs capables de transmettre un savoir comme
un patrimoine, si il y avait eu des blasons et des phrases en latin
gravées au frontispice des écoles, ou quoi que ce soit qui connote
la quête du meilleur au lieu du nivellement, si il y avait eu des
prêtres, des pasteurs ou des rabbins pour écouter mon
incompréhension totale de ce monde et y répondre par des paroles de
sagesse. Non il n’y avait rien de tout cela et l’on pouvait
passer complètement à coté de sa vie sans que rien ne se mette en
travers, on pouvait cogner contre les murs, crier dans le vide, il ne
se passerait rien. Je connaissais une dizaine de types de mon âge
qui prenaient du Prozac, au moins 5 autres diagnostiqués
schizophrènes et qui sont partis à l’HP, et un autre type qui
s’est suicidé.
Alors
c’était ca être jeune ?
En
me renseignant dans des revues médicales, j’apprenais que les
troubles mentaux apparaissent le plus souvent entre 19 et 30 ans.
Tiens on ne nous avait pas prévenus. Cependant depuis le
collège on nous avait prédit le chômage, et je ne croyais
décemment pas que dans 5 ans, il pouvait être possible de sortir
enfin de quelconques études, pour trouver un boulot intéressant et
bien payé. Je n’arrivais pas à appréhender ce langage
administratif, il ne recouvrait aucune réalité : CAF, APL,
2ème cycle, bail, validation d’acquis, équivalence, homologation,
report, concours passerelle, IUT, classement des ESC, diplôme
reconnu, visé… et personne n’était la pour vous expliquer… A
la rigueur tu allais dans un centre d’orientation départemental,
un truc ouvert 3 heures par jour et 4 jours par semaine, et là une
sorte d’employée te disait d’aller regarder dans des classeurs
oranges les formations qui existent, ce qui constituait sans doute la
meilleure solution pour se planter une bonne fois pour toutes.
Venait
s’ajouter à cela des torrents de doutes intérieurs comme « mais
je ne vais quand même pas travailler dans le commerce c’est un
truc d’épicier ca correspond a rien, c’est une vaste blague »,
« le capitalisme c’est dégueulasse »… échos de
l’esprit du temps véhiculé par les programmes cools et séduisants
de Canal+, par nos livre d’économie truffés de textes de
chercheurs au CNRS et a l’EHESS, et par cette mentalité collective
qui admire davantage Edwy Plenel que François Pinault… Pourtant
François Pinault est un personnage intéressant, parti de rien il a
monté un empire le petit Céfran... Je ne me préparais pas un
avenir parce qu’il
n’y aurait pas d’avenir.
Je n’en pouvais plus du lycée et pourtant je sentais venir
l’époque bien plus terrible ou ce lien social n’existerai plus,
je n’en pouvais plus de ne pas être aimé des filles et pourtant
chaque nouvelle relation m’écœurait davantage. Alors bosser pour
entrer dans des classes prépas afin d’entrer dans des ESC pour
accéder si tout se passait bien à des jobs bien payés pour
70h/semaine… Mais jamais, jamais je n’aurai pu entamer une telle
démarche.
Après
le bac j’ai commencé à angoisser et a déprimer de plus en plus,
toujours sans comprendre pourquoi. Il était trop tard pour passer
certains concours, choisir sa voie, déjà les portes se refermaient.
Je me suis inscrit en première année de droit, par dépit. Je
croyais avoir des amis, erreur. Mon portable a arrêté de sonner. Ce
que j’avais si longtemps redouté pour l’après-lycée était en
train d’arriver : l’isolement. Je sentais vaguement que
j’étais dans une impasse, que mon avenir n’était pas entre mes
mains, que j’avais une responsabilité à tenir par rapport a ma
famille, que je devais être la pour elle, pour ne pas qu’elle
éclate. En fait déprimer comme ca c’était de la fidélité,
c’était maintenir le dernier stade de cohésion avant l’éclatement
définitif.
Après
3 mois j’ai décidé d’abandonner la fac. Aussitôt sont arrivées
d’énormes crises d’angoisse dés que je m’éloignais de plus
de 2 rues de la maison, j’étais quasiment certain d’être en
train de devenir fou, je me réveillais au milieu de la nuit en sueur
dans un état de terreur insupportable, je pleurais toute la journée
sans pouvoir m’arrêter, impossible de regarder les gens dans les
yeux, je tressaillais au son de ma propre voix, la lumière étant
anxiogène je fermais les volets de ma chambre. C’était la vraie
solitude, le monde continuait mais moi je m’étais arrêté,
j’avais 19 ans
Pétard, ses textes me tuent, la violence de sa lucidité et de son angoisse sont comme si il me prenait dans ses bras et m'étreignait de tout son être. J'ai vécu toute cette angoisse, cette déprime annihilante, ça a commencé à me péter à la gueule à 17 ans. J'en ai dix de plus et toujours en train de chercher ma voie, de savoir ce que je vaux. Je n'ai toujours pas compris comment j'en suis arrivée là. Qu'est-ce que j'ai foutu pendant tout ce temps bon sang ?
RépondreSupprimerJ'étais promue à un avenir radieux, j'avais tout pour réussir, putain tout. Et aussi, surtout, la solitude.
L'inconditionnel amour maternel que j'accepte et admets avec timidité me sauve évidemment et me pousse à faire vivoter les derniers reliquats de volonté sur la vie. En cela, j'ai de la chance...