La
scène des toilettes dans la haine... Cette histoire de Grunwalski...
pourtant la dernière fois que j’ai vu ce film c’était il y a
des années.
« Il
ne faut pas se demander si l’on croit en Dieu mais si Dieu croit en
nous... J’avais un ami, qui s’appelait... Grunwalski... On a été
déportés ensemble en Sibérie... »
et puis l’histoire du futale et tout, et puis le mec mort de
froid...
J’ai
souvent l’impression d’être comme Grunwalski... Descendu chier
enfin un coup, et voilà que le train part, et que dés que je le
tiens mon froc tombe...
Ou
plutôt, cette impression d’être au milieu d’incendies nombreux
qu’il faut éteindre en même temps pour sauver tout le monde...
Ici la carrière, ici les nanas, ici l’argent... Voilà qu’un
autre foyer d’incendie démarre alors !... Il s’appelle
« aimer ce que l’on fait », puis un autre encore !
« Vie sociale »... Puis encore le foyer « alcool »
et puis le « fatigue » et puis voilà en un fracas les
« ruptures amoureuses » et derrière le « désespoir »...
Il faut éteindre tout ça... A chaque fois recommencer.
Une
nuit, je dis à la juriste danoise qu’il faut absolument qu'on se
voit. Elle se fait distante, et depuis un moment déjà. J’insiste
comme un bâtard (que je suis exactement) et elle me dit de venir
chez elle. 1h du matin dans son loft on discute. On en vient à
évoquer le fait que comme tant d’autres types j’ai « beaucoup
souffert avec les femmes » parce qu’elles ne font que de se
servir de moi et de m’abandonner. Elle me répond alors que je
devrais réfléchir, que l’on se souvient toujours du mal qu’on a
reçu mais jamais du mal qu’on a fait.... Ah tiens... Et là un
visage me revient d’un coup, celui de Caroline P. connue au lycée
Pierre Termier de Grenoble en février 1999... Elle m’aimait bien
je crois, et j’avais pas été très correct avec elle, j’avais
cédé à une certaine forme de lâcheté disons... Je quitte la
juriste danoise vers 3h et fonce chez moi à l’autre bout de la
ville. En sueur parce qu’il fait chaud, à peine arrivé un mail à
Caroline P. à qui je n’ai plus parlé depuis... 11 ans donc. Je
lui dis mon point de vue le plus honnêtement possible. Et puis je
dors 4 heures, comme d’hab.
Finalisation
de mon embauche pour Septembre avec le nouvel employeur, tout se
passe lentement et sûrement. Il « me veut » et ça colle
bien.
Ai
le temps de rien... Incendies partout, eau nulle part... Y a une
histoire comme ça... « La moisson est grande mais les
moissonneurs sont rares » je crois. Une nuit en rentrant tard
je parle avec deux policiers belges place de la mairie... Je lui dis
que c’est cool Bruxelles, que c’est plutôt calme pour une
capitale. Il me regarde comme si je lui avais montré ma bite.
Apparemment d’après lui c’est un bordel innommable ici et qui va
croissant, et il le sait et s’en rend compte car il est né à
Bruxelles il y a 35 ans. Je rétorque que par rapport à Paris,
Bruxelles c’est un havre de paix mais lui vraiment me dit que je ne
me rend pas compte... Il doit avoir raison, l’est mieux placé pour
savoir...
Un
stop un peu plus loin devant un Noir qui prend le frais comme ça,
l’air du soir avec sa femme blanche et son fils métis... l’image
est toujours assez obscène dans ce genre de couple je trouve, ça
fait vraiment « noir
qu’a baisé blanche qu’a donné enfant marron »...
Je bloque comme ça sur lui car il me semble que je l’ai déjà
vu... Jui demande si l’on se connaît... Dit non... Dit qu’y sait
pas... Demande si je suis photographe. Tiens en voilà une idée,
pourquoi il demande ? Je lui dis que non mais que j’ai un
appareil pro chez moi cependant... Il veut un photographe pour faire
des photos de lui avec sa femme et son fils voilà ce qu’il
déclare. L’est prêt à payer... On échange nos numéros. On
verra.
Caroline
P. m’a envoyé un mail. Elle est ravie que je l’ai contacté.
Elle veut me voir. Elle réside à Paris. C’est prévu justement...
Pas spécialement pour elle mais bon.
A
Paris je retrouve William-Henri et Sylvain, et on sort un soir
trainer le long des quais... Est-ce que ça vaut le coup de détailler
tout ça finalement ? C’est rien qu’une débauche
effroyable, de la peine perdue, des embrouilles avec des Caucasiens
fin de série qui terminent des casse-croûtes et des bouteilles au
bord du canal... A chaque fois on pourrait frôler la mort pour
un regard de travers... William-Henri se retrouve seul face à 5
Caucasiens horribles avec des gros bras, en fait ce sont 4 mecs
appelés en renfort par un cinquième, lâche qui chie dans son froc
face à WH pourtant d’une tête plus petit... Je fais le ménage
calmement avec Sylvain en renfort, et puis on termine ça au bar
« Prune », encore des embrouilles, encore des emmerdes,
et puis on se trisse vers les campements d’Albanos-turkmènes, aux
confins de la pisse et de la merde sous les ponts empuantis, là ou
les revenus de toutes les nations mal agrégées côtoient les
putablacks et les Louis Garrel ratés... On grimpe dans un taxi
arabe. Il nous vire au bout de 300 mètres. On grimpe dans un
deuxième taxi, on descend rue Boissy d’Anglas, on roupille à
trois dans le lit de William-Henri sans virer nos chaussures.
Réveil.
Brossage de dents. Du dentifrice très rouge dans le lavabo, du
sang voilà ce que je crache. J’ai 4 aphtes qui ont poussés
dans la nuit. Presque impossible d’articuler des mots. Journée
calme à peu près... Le soir je vois une copine, et puis Caroline...
Je crois qu’on accroche bien. Elle me tend quelques perches, enfin
je crois, enfin elle pourrait dire que « non pas du tout
c’était juste comme ça »... Je la veux.
Le
lendemain à Rambouillet c’est un havre de paix. Des multitudes
d’enfants « normaux » et bien élevés avec qui on fait
une partie de foot... Y aura 11-11 comme score. Epuisés on va
se rafraîchir dans la piscine, je sers de cheval dans une sorte de
tournoi ou les cadets montent sur les épaules des aînés émergeant
de l'au, et ainsi on se combat vaillamment... On mange des grillades
et on discute avec les parents à propos de l’Alabama, de la
Hollande, de la tolérance parfois aveugle des Aryens, de l’irruption
des conservateurs aux USA dans les 60’ sous la houlette de Barry
Goldwater... Voilà comment je veux vivre. Et je sais que cela
nécessite de trouver une femme, la « bonne ».
Le
lendemain à Paris m’en vais voir une exposition sur « l’art
du Gandhara » au musée Guimet. Pas le genre de la maison les
« expos » normalement... Mais cette histoire de Gandhara
c’est pas pareil. C’est la pénétration du style grec dans la
sphère d’influence indienne entre l’an 0 et le 4ème siècle.
Cela se passe au Pakistan. Des statues de Boudha en style grec...
Etonnant. Et puis ces deux citations que je note sur un papier passke
c’est verboten de photographier : « L’art
du Gandhara disparaît définitivement avec l’arrivée de l’Islam »
et « C’est
évidemment dans l’imagination d’un eurasien artiste par son père
grec, bouddhiste par sa mère indienne que se combinent le mieux les
deux traditions... A sculptures hybrides, sculpteur métis »
Alfred Foucher, L’art
greco-bouddhique du Gandhara,
Paris 1922.
Je
rentre avenue Mozart, je dors, me réveille, appelle Caroline, elle a
deux minutes à m’accorder, je fonce la retrouver à République,
on parle un peu, elle s’en va avec une copine au bal des pompiers
et à la fête d’anniversaire d’un ami gay à elle. Moi je file
dans le 5ème, bois des bières dans un pub irlandais, discute avec
un jeune FDS qui vient de passer son bac et qui s’en allait voir un
pote à lui « le fils du PDG de Renault ». Il est
étonnamment simple pour sa condition le bonhomme. Et il me dit que
d’ailleurs il s’est souvent fait couillonner à cause de ça.
Sylvain et William-Henri se pointent, on va dans un autre bar, un bar
qu’on peut voir dans le film « Le Péril Jeune » là ou
un type parle du Népal. Ou du Tibet, ch’sez plus... On branche des
meufs, on leur dit « ouais j’comprends t’es venu t’éclater,
t’envoyer un peu en l’air j’comprends tu sais », et puis
aussi « oui pardon c’est vrai, je vous presse trop... Laissez
moi vous servir encore du vin... ». Et puis on jacte un peu
avec des Cambodgiens, que j’aime appeler des Khmères, ils sont
cools mais assez chatouilleux sur leurs origines, surtout que je les
avais pris pour des Viets au début. Passk’ils avaient le faciès
« Asie jaune », pas « Asie brune ». Caroline
m’appelle, me dit qu’elle s’emmerde à sa soirée, qu’elle
veut venir me voir avec ses copines. Elle vient, on bouge tous à
Bastille, on s’enlace un peu sur le chemin, William-Henri et
Sylvain font les cons mais les cons raisonnables parce qu’ils
voient que cette meuf est importante pour moi.
Veille
de jour férié, mois de Juillet brûlant, Bastille là ou toute la
Catastrophe de la France est partie... le quartier est en ébullition,
c’est une pompe aspirante à racailles on le sait, à cause des
bars à salsa peuplées de putes à racailles... Racailleux de toutes
les nations ne s’y trompent pas, ils viennent en masse et
accaparent l’espace. On les voit embrouiller des types, faire les
fiérots, en faire des tonnes, essayer d’empêcher des meufs de
passer en réclamant un bisou... Des meufs blanches of course. Qu’on
fasse le quart de ça dans « vos » bleds de merde et
qu’on rigole bande d’hypocrites... Peut être que vous croyez que
les Blancs ces victimes, toujours accepteront vos manières. Peut
être que vous avez raison de le croire.
Les
pompiers débarquent rue de la Roquette (une des dernières rues qui
avait encore des barricades au mois de mai 1871) pourquoi on ne saura
pas... Une bande de 20 Noirs bien comptés tous torses très gonflés
qui en font des tonnes passe tels des blacks panthers normatisés.
Ils embrouillent une aryenne au faciès germain (voir article
précédent), y a rien à gratter alors ils se barrent. Et puis les
copines de Caroline se barrent. Tout le monde en fait. On sent la
pression monter, on sent que ça devient vraiment mauvais, que faut
quitter le navire. Je raccompagne Caroline. On s’embrasse dans son
allée. Elle me dit des trucs qui font que les hommes sensibles
c'est-à-dire cons, un peu dans mon genre, tombent amoureux, se
sentent dés lors « responsables ». M’barre. 5h30 le
premier métro. Jasmin, Mozart, dormir.
Elle
me plantera Caroline, promesses ou pas, bien élevée ou pas, comme
m’ont plantées toutes les autres... Elle se servira de moi bien à
fond pour se rassurer, comme le font toutes les filles tentées par
la lâcheté lorsqu’elles sortent de relation comme elles disent,
mais que ça va beaucoup mieux maintenant comme elles disent.
Selon
Houellebecq, Dieu serait peut être comparable à la chatte d’une
femme. Mais alors si les femmes ne croient pas en moi peut que cela
veut dire que Dieu ne croit pas en moi... Et pourtant mon Dieu
j’essaie de tout faire pour vous plaire. Il n’y a rien depuis
deux mois que je n’ai fait en pensant à vous d’abord. Je vous le
dis je n’en peux plus désormais. Si vous ne croyez pas en moi, à
quoi bon... Je n’arrive pas à éteindre tous les incendies.
Caroline
me plante. En fait voilà : elle ne me répond plus. Je sais ce
que ça veut dire. Elle a eu ce qu’elle voulait, comme toutes les
autres avant, et là je n’en peux plus. Je ne veux plus y croire
puisque croire me mène systématiquement là ou je suis précisément
ce soir... Ce soir lorsque j’ai compris qu’elle se jouait de moi
elle aussi, malgré tout ce qu’elle m’avait dit, malgré tout ce
que j’avais cru, voulais croire, et voulais faire.... Ce soir je me
suis donc soulé. Le matin même je m’étais réveillé d’un
cauchemar. Dans ce cauchemar Caroline se détachait de moi, me disait
que moi « j’allais trop vite »... Faudrait que j’arrive
à en rire. Dans ce cauchemar je détruisais tout chez moi,
fracassais les murs, renversais les meubles. Les conseils, les amis,
les parents divorcés, Caroline, Bruxelles, Paris, un nouveau taf...
Y a trop d'incendies. Vendredi 16 Juillet 22h30 seul devant mon
ordinateur dont les boîtes mails sont vides, seul devant un
téléphone portable qui affiche « aucun nouveau message »
voilà que je n’en peux plus, me lève et fracasse les murs,
défonçage de phalanges dans la nuit, je renverse les meubles
et hurle de toutes mes forces... Tout s'effondre? Eh bien que tout
s'effondre. Il n’y a rien à faire. Elles ne veulent pas de moi.
Elles ne croient pas en moi. Elles ne veulent pas me sélectionner.
Elles m’ABANDONNENT. Je sors avec des bières me souler dehors, ça
me calme un peu. Je rentre, la police est là, devant la porte. Des
voisins ont appelés. Lorsqu’ils me voient, leurs faces font un pli
étrange au niveau des yeux, une expression de malaise. C'est la
honte de celui qu’est allé chercher les autorités, la honte de
celui qui croyait dénoncer anonymement mais qui est vu en face par
le « dénoncé »... C’est les voisins d’en face.
Z’ont du croire que je tapais sur quelqu’un... Les braves gens.
Les
policiers voient que je suis cool, que c'est une "histoire de
coeur", que je suis « juste
déçu »
voilà ce qu’ils disent. Ils traînent pas, remontent dans leur
camionnette. Et j’écris ce texte.
« J’avais
un ami, qui s’appelait... Grunwalski...On a été déportés
ensemble en Sibérie... ».
Et puis le meilleur c’est à la fin de sa tirade au vieux,
lorsqu'il dit aux trois jeunes « au
revoir »
trois fois, une fois pour chacun.
La
lâcheté des femmes, leur rage d’abandonner, de se défiler,
d’allumer l’incendie puis de partir en prétendant qu’elles n’y
sont pour rien, ce truc diabolique de la femme qui agit exactement à
l’inverse de la pureté dont elle se réclame en jurant ses grands
dieux qu’elle est sérieuse elle... « Comme
toutes les autres, froide et distante »
ce sont les mots exacts de TRAVIS BICKLE. Richard Durn avait pour
film culte le film dont Travis Bickle est le héros. Lorsqu’on
m’abandonne ainsi je préfère taper sur des meubles car parfois je
crois que je pourrais sortir dans la rue et éclater successivement
la gueule des gens que je croiserais. N’importe qui.
Mon
Dieu je n’en peux plus je vous le dis.
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