Vendredi.
Je passe la journée à Bruxelles pour chercher des appartements. Ma
boîte déménage et nous offre gracieusement une journée de visite.
Je rencontre des agents immobiliers qui me font visiter des
« meublés ». J’en fais comme ça 4 ou 5 des meublés.
Des trucs supra-miteux, on entre ça sent l’humidité, bon d’accord
c’est grand pour le prix, rien à voir avec les clapiers de Paris
mais enfin… C’est drôlement « meublé ». C’est
meublé avec des matelas qui ont des traces suspectes, ces fameuses
auréoles de matelas, avec des rideaux qui ont des trous, pour aérer
peut être, « Hein ?
Ho ça c’est pas grave hein »
qu’il me dit l’agent immobilier. Ah bah si c’est pas grave
alors ça va allez je le prends cet appart je signe ou ? Abruti.
On me fait même visiter des appartements avec des grosses traces sur
les murs et des coulures dans les chiottes, sûrement que le
précédent locataire a fui pendant la nuit pour échapper au dernier
loyer, c’est limite si il ne reste pas dans l’évier un plat de
ravioli pas terminé avec une clope écrasée dedans. Là je
m’insurge un peu je lui dis à l’agent que je l’aime bien sa
promenade mais qu’on perd notre temps.
Allez
on en visite un dernier, celui là c’est le bon, ouf. Allez on
signe des tas de trucs moi je coupe ma respiration quand il parle
parce qu’il a une très mauvaise haleine, faut repasser à son
agence ou y a des collègues filles à lui de 20 ans de type garce de
discothèque de province, faut resigner tout un tas de trucs et je
fais vite parce que j’ai un train à prendre. 18h15 je suis dans le
train, de bonne humeur, calme, je ne m’énerve même pas avec les
gens dans la bousculade pour trouver sa place, comme ça fait du bien
d’être calme. Je trouve 4 place en vis-à-vis rien que pour moi.
Ciel bleu, soleil couchant sur tout le long du trajet Bruxelles-Paris
qui est plein de verdures triomphantes, c’est très charmant, il ne
manque guère qu’une fille avec qui partager cela pour que le
tableau soit complet.
Samedi. Merde
j’ai craqué pour une branlette au réveil passke je rêvassais à
Ann. C’est de la faiblesse ça qu’est ce que tu fous Darbois ?
C’est le matin. Ah tiens huit heure, hey c’est bien mec tu te
lèves tôt ! Allez un peu de corde à sauter, un peu de boxe à
vide, un peu d’abdos. Voilà, la sueur vient, ça sort, ça
ruisselle. Allez on arrête.
Douche,
rasage sur fond de « Le
Crabe Tambour »
de Schoendoerffer. Typique film français de droite. Dit beaucoup
mais ça ne saute pas aux yeux, faut aller chercher, faut se faire
chier, faut avoir un à priori positif.
C’est
Samedi. Allez je passe à mon taf faut que j’avance ceci et cela.
Ligne 8. J’arrive boulevard Haussmann, je monte, j’entre, je vais
à ma place c’est la numéro 17/34, on est 34 sur mon sales-floor.
Mais aujourd’hui c’est congé y a personne. « Ho
Darbois t’es là ?? »
De derrière un bureau surgit un collègue qui vraisemblablement a
dormi là, Macateer.
« Ho là là
Darbois chui dans un état… J’ai dormi là on a fait
l’anniversaire de Sébastien hier et moi j’habite trop loin… ».
Je le laisse jacter je l’aime pas ce type. Il devient violent quand
il est ivre, je l’ai vu, il se lève des trainées, des épaves, il
est surnommé « le baleinier ». C’est écrit sur le
tableau des scores de performance de la boîte, passke on a chacun
des surnoms.
Plus
tard je vais au Palais-Royal. Je pense à Louis-Ferdinand Céline.
Son passage Choiseul juste à côté. Tous les recoins pourris qu’il
a fouillés de bas en haut dans Mort
à Crédit pour
trouver un emploi. Le Palais-Royal, la rue Vivienne, le square
Louvois… Ferdinand le céfran. J’échoue affamé au Macdonald’s
de la rue Rivoli, et je prends à emporter un horrible
combo avec plein de « maxi »
et de « best
of ».
Direction
le jardin des Tuileries. On est Samedi, voilà le mauvais temps qui
s’annonce, les nuages se font serrés, il se fait lourd, cool.
C’est cool le mauvais temps passke comme ça y a pas trop
d’amoureux dans les jardins. Je m’affale sur une chaise de
fainéant avec l’assise inclinée pour mieux jouir de la sensation
de repos. C’est une époque stressless.
J’ouvre le sac ma queue donald et observe là bas devant, au-delà
des pelouses interdites la cohorte sans cesse renouvelée des
touristes dans l’allée centrale. Ils s’étirent en un grand
mille-pattes à double sens de circulation. Ils prennent leur temps.
Je bouffe et observe des pigeons ramiers sur la pelouse interdite. Y
en a 3 ou 4. Ils ont toute la pelouse pour eux ces salauds. Et toutes
les statues de Diane chasseresse et tous les taureaux de labyrinthes.
Ils ne savent même pas apprécier. Ils sont là les mâles à tâcher
d’accomplir des parades pour les femelles, grotesques, ils se
répandent en sortes de roues de paon ratées mais la femelle elle
s’en fout elle s’en va picorer un peu plus loin. Les nanas s’en
foutent de nos gros muscles et de nos sauts à la perche, ça ne leur
parle pas, pas plus que « l’aspect
violemment anatomique du gland »
dixit Houellebecq dans Plateforme,
c’est pas la peine de se gonfler. La pigeonne ramier voilà même
qu’elle lui met des gifles au mâle ! Oui avec son aile.
Vraiment à un moment le mâle voulait trop la sauter et elle lui a
mis une gifle d’aile. « Monsieur,
vous et votre bite, êtes des rustauds ! »
peut-être bien que ça voulait dire.
A
proximité s’installent des jeunes comme moi, ils prennent des
chaises vertes comme moi et se préparent à bouffer aussi. C’est
deux nanas et un type. Y a une des deux nanas qui est « bonne »
et porte un leggin. A chaque fois que j’observe le specimen « jolie
jeune fille blanche à Paris »
je me dis que voilà : dans tout ce béton, dans tout ce gris,
une pareille plante a réussi à pousser. Une plante pleine de santé,
admirablement chlorophyllée, lisse, brillante. Et ça m’agresse
que coupées de toute vitalité, des nanas arrivent à resplendir
comme cela. En tant que mec je me sens spectateur imbécile et
inutile. Depuis tout petit j’ai la brutale impression
que les nanas ont moins besoin de nous que nous d’elles. Ah tiens
voilà la pluie. Alors là bas, tout là bas au-delà de la pelouse
interdite, la cohorte des touristes, le long mille-pattes qui
s’étirait lentement, le voilà qui s’affole, il accélère dans
les deux sens, il explose en dizaines d’individus qui s’enfuient
par les petites contre-allées. Au secours c’est la pluie ! On
n’avait pas prévu ! On savait pas ! Vite vite ils
quittent le jardin, il leur faut un lieu couvert, les arcades de
Rivoli, la station de métro à aller peupler par centaines n’importe
quoi mais pas la pluie! La pluie on ne plaisante plus ! Et moi
seul sous mon arbre à l’abri je les regarde, je digère un
ma-queue-do.
Un
regard vers le groupe à côté. La jolie nana mange des carottes
crues qu’elle a apporté dans un sac. Ca me fait penser à des
diarrhées et des pertes blanches, et des trucs de nanas actives
urbaines indépendantes, ça me calme un peu. En plus même avec
le leggin ses jambes semblent pataudes, elles ne sont pas
« admirablement déliées » comme la Molly de Céline
dans le Voyage. Alors merde. Bon allez je rentre. A pied vers Opéra,
s’engouffrer dans le métro, stop à Filles du Calvaire. J’habite
à Filles du Calvaire.
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