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mardi 18 août 2015

19.06.2010 - De battre les journées et les nuits... (suite)




Ce bar c’est l’autre côté de la nuit
C’est ma première soirée dans cet établissement que de nombreuses relations m'ont vantés comme un mythe de cette ville. Je suis introduit ici par un « ancien » qui m’aime bien. C’est un honneur, vraiment. Je lui dirai plus tard à cet « ancien » que j’ai l’impression de recevoir l’Arche d’Alliance des mains d’un garde-vétéran... Bruxelles c’est Paris d’il y a 20 ans... Ce bar existe depuis 1939, on y passe du « jazz » et d’autres choses très créatives. Il est bondé toute la nuit, la clientèle est plutôt disons, érudite. Je fraternise avec plusieurs « Anciens »... Ils m’acceptent parce que je leur suis présenté par un type par eux respecté. Le type se « porte garant » pour moi, et j’en ai conscience.
Ca joue du jazz, une sorte de jazz funk, avec des violons parfois je crois... volutes dans la nuit... on est cosy on sourit... Le bar est blindé. Et l’on me fait une place, à la place d’honneur même, celle « ou tout le monde veut être » m’assure-t-on. Et là on commence à écluser. On est quatre types en bout de comptoir. Le prof de photo, un type qui ressemble à un Arabe mais qui s’appelle « Paul », un trentenaire Blanc beau gosse bien conservé le genre qui les nique toutes, et puis moi.
Une allemande parle avec le Blanc trentenaire. C'est sûr qu'il va la niquer. Il est gand, il a tous ses cheveux, il les a noirs et drus en bataille, ça contraste avec ses yeux clairs, c'est le genre de physique Marc Lavoine un peu... La fille c'est une jeune allemande grande et fine et blonde vénitienne... qui a un leggin, le plus excitant modèle, le leggin noir opaque qui couvre de début du pied ce qui a pour effet d’allonger un peu la jambe... Et au bout des jambe elle a des sandales blanches à talons, et unvernis rouge impeccable, ce qui porte à incandescence un certain effet de contraste...  ça donne envie de lui sucer les orteils ce genre de choses... je crois.
C’est une farandole de visages ici... Aryens, Orientaux, vieux et jeunes, et des filles de « toutes les provinces de l’Empire »... L’Allemande longiligne est vraiment bonne. Elle veut se taper le Blanc trentenaire c'est sûr... Elle fait vraiment tout pour l’y amener. Mais le mec s’en fout.
J’entame la conversation avec le prof de photo. Je ne me souviens plus de tout... C’est très enfumé, alcoolisé et dansant tout cela... Alors wouhouhou danse pour nous Bruxelles ville aryenne ville flamande, nous veillons pendant que tes habitants dorment, nous sommes une petite centaine tous serrés dans cette antiquité, et ensemble nous « fêtons  la vie » comme disent les gauchistes qui manquent de finesse ... C’est un train enchanté ici, et le prof de photo s’accroche au bar il se cramponne le bonhomme parce qu’on est tous bien pétés déjà, à cause de Paul qui apporte des tournées de Vodka, et à cause des bières aussi... « faut que tu lises les frères Karamazof, les frères Ka-ra-ma-zof... » qu’il me dit... « Ivan Karamazov c’est moi ! » ajoute-t-il. C’est l’histoire de trois frères qui ont chacun une Foi très différente les uns des autres, c’est très profond, davantage que Céline assure-t-il. Mais il n’a pas lu « Mort à Crédit » alors... Puis on parle de religion. Il n’en revient pas de ce que je lui dis sur la religion... Il s’étonne, il essaie, il me pose des questions, je lui réponds, il me dit que je lui réponds à côté, que ce n’est pas ça qu’il demande... Cela a l’air de lui retourner la tête, il est comme bloqué mentalement sur le mot que je lui ai dit en réponse à son « c’est quoi ta religion ? ». Il y reviendra plusieurs fois dans la soirée... Les mecs s’étonnent autour, me disent « mais comment ? » et « mais mec mais comment ça ?? C’est vrai ? »... J’aimerais bien leur dire de lire le blog de Lounès Darbois-Beaumont... Pour qu’ils comprennent.
Un coup d’œil à gauche vers le Blanc trentenaire qui se rapproche de l’allemande longiligne. Celle-ci est assise sur une chaise haute avec une jambe repliée vers elle, et le mec pose sa main négligemment sur son pied, comme ça... Marrant c’est exactement ce que j’aurais fait. Mais il se barre... Non vraiment il n’en veut pas de cette fille. Tiens.
Je lâche plein de fric... Allez, allez, on s’en fout mince. C’est pas tant de fric que ça t’manière. J’ai l’impression d’être à Montparnasse dans les années 20-30... D’ailleurs l’atmosphère « historique » s’y prête également... La Belgique va peut être se scinder... On vit une drôle d’époque, dans un drôle de monde. Bruxelles est l’un des centres de ce monde. Je demande au prof de photo, ce que lui pense de tout ça... Il pense que la Flandre creuse son trou en voulant se séparer, et que cela se retournera contre eux sur le long terme... Sur 50 ans. Je lui dit que ce qu’il faut c’est TOUJOURS garder la monarchie, la préserver et la protéger. Que la France souffre d’une chose que les gens ignorent : c’est de ne plus avoir de Roi, cette figure unificatrice et pacificatrice. Et que surtout il ne faut JAMAIS que la Wallonie, si elle devient autonome, se rattache à l’Etat français, jamais.
On s’étripe sur Céline... Dans toutes les conversations que j’ai avec des types intelligents y a toujours Céline qui revient j’ai remarqué... C’est un marqueur. On débat sur le message Célinien. Moi je soutiens qu’on s’en fout complètement du contenu de son message, que tout ce qui compte c’est sa façon de raconter. Mais qu’il faut faire très gaffe avec les pamphlets. Ils sont à ses autres livres ce que la datura est au passiflore disons... Ils sont dangereux les pamphlets.
Du coup on parle de drogues... Il me dit qu’il a déjà pris des champis. Et du peyote, et de l’ayahuasca, et toutes les drogues possibles... Le prof de photo. C’est dangereux ces putains de trucs... Et il est cependant toujours là, et « sain d’esprit ». En fait les drogues ce n’est pas fait pour tout le monde, voilà tout. Voilà de quoi clore les interminables débats qu’ont certains étudiants en Erasmus qui découvrent un peu la vie et entament des discussions de 6 heures sur le thème « est-ce que le shit c’est aussi grave que l’alcool ».
C’est étrange je ne ressens pas le besoin d’aller voir des filles. J’en ai une déjà. Mais je pense à Anne, « elle » encore... Tiens mais j’ai son numéro au fait... Il est trois heures du matin ici, il doit donc être environ 20h chez elle. Je lui envoie un texto. Traverse l’Atlantique petit texto, va t-en lui faire un bisou pour moi à la petite nana du bout du monde... C’est fait. Je regarde les trois « Anciens » et je leur dit tout simplement : « les gars je suis... Je suis bien là, c’est formidable. Vous pouvez pas savoir... », et ils disent que c’est cool et les gens me prennent dans leurs bras alors qu’on ne se connait pas, contre mes joues ça frotte et ça pique les grosses barbes, ça sue, ça pue mais c’est formidable... Merci, merci les mecs... J’ai l’impression d’être une vieille chanteuse qui vient en rappel saluer le public après sa dernière chanson... « Merci vous êtes formidable », un peu cela...
La musique est incroyable, des mixs de jazz qui tournent funk qui tournent blues qui tournent lent, puis rapide... On est emmenés. Je pense à Céline, il n’aimait pas le jazz lui. Un Caucasien embrasse une Renoie, là au comptoir... Un vieux beau ramène chez elle une petite nana modèle « étudiante aux Beaux-Arts » super jolie... Un Noir entre dans mon champ de vision. Il a un chapelet autour du cou... Mais ça peut être un chapelet de n’importe quelle religion. Je me permets d’examiner l’objet... Il y a une croix chrétienne au bout. On commence à jacter. Il me dit qu’il a vu, et qu’il s’est converti apparemment. Qu’il a vu... Il n’ose pas me dire. Il me dit que tous ses amis se moquent de lui pour ça... Il me dit qu’il a vu un ange. Une nuit, depuis son lit. Qu’il ne dormait pas, qu’il l’a bien vu, un bon moment, un ange qui montait et qui descendait... Comme ça dans l’air... Que c’était bien un ange, qu’il a bien vérifié. Je ne sais pas quoi répondre à ça.
Aux toilettes je vais un moment. Le savon pour se nettoyer les mains est le même genre que ce que nous avons connu à l’école primaire, savez-vous ? Ces pains de savon emmanchés sur une tige en métal qu’il faut, n’est-ce pas, branler pour s’en frotter les mains... Cela fait des années que je n’avais plus vu cela... Bruxelles c’est Paris d’il y a 20 ans.
Tout le monde danse et lève son verre, tout le monde s’enivre... Après environ 12 bières je tiens encore solidement la barre, j’en éprouve de la satisfaction. L’ivresse « gaie » n’est-ce pas...
6 h la salle se vide peu à peu. Ne restent que les trois Anciens, l’Allemande longiligne, une copine hollandaise à elle, quelques types, et moi... Paul drague la copine hollandaise. Et l’Allemande je ne me souviens plus... Le prof de photo m’explique que ce Paul agit d’une façon stupide. Qu’il est dans un processus purement mâle, à raconter des conneries à la fille pour la faire rire... Qu’il veut étonner, séduire, amener à lui... Alors que la fille est dans un processus purement femelle, qu’elle n’attend qu’une chose, que Paul lui dise « viens chez moi on va baiser » grosso modo... Et sans doute a-t-il raison le prof de photo. Il est, comme de nombreuses personnes que je rencontre ces temps-ci, « clairvoyant ». J’ai constaté que la clairvoyance mène certains à l’athéisme, et d’autres à la Foi. Mais que d’autres éléments entrent en ligne de compte pour déterminer ce qu’ils vont adopter.
La salle est complètement déserte, c’est étonnant, elle s’est vidée sans que rien n’y paraisse. Et là bas... Dans le fond, on distingue deux policiers, un homme et une femme avec des gilets pare-balles qui prennent la déposition d’un videur. Assis tous deux aux tables, comme des clients, comme ça. Il a maravé des Mexicains qui voulaient rentrer après l’heure, le videur apparemment... Et il les a vraiment roustés sévèrement. Les types ont portés plainte. Nous n’avons rien vu. Cela s’est passé dehors.
Paul n’arrive pas à brancher la copine hollandaise. Et l’Allemande longiligne n’arrive pas à hameçonner le Blanc trentenaire... Et comment ça se termine ? Les filles gagnent toujours. Les deux samaritaines s’en vont avec deux vagues types qui trainaillaient encore dans la salle à cette heure. Toutes les femmes que nous nous refusons d’honorer, ce sont d’autres hommes qui les honoreront pour nous. Peut être parfois « d’autres » pas très sympas ni très bien intentionnés... D’autres qui viennent exprès pour cela, comme s’ils accomplissaient une demande inconsciente des femmes. M’est souvenir à Grenoble d’une soirée à la MC2 ou un Noir avait sorti sa carte d’identité de Béninois devant un Blanc avec qui il s’embrouillait. Et il a dit exactement ceci : « Tu vois ça ? Moi je suis là pour baiser la France et baiser des femmes blanches ! ».
Paul s’en va. Il ne reste plus que le prof de photos, le Blanc trentenaire et moi... Ensemble on s’en va dans les rues éclairées du jour naissant, le joli jour du vendredi 18 Juin 2010... C’est le matin, il est 7 heures. Que faire ? Nous convenons ensemble que nous souffrons de la faim, et décidons d’aller dépenser nos sous dans un établissement de type « Kleine Restauratie »... Voilà une « Frituur ». J’entre seul et opte pour une « mitraillette hamburger ». Je commande, paie, sors avec le plat dans les mains et mange et en propose aux autres. Mais les camarades, et notamment le prof de photos, s’insurgent. Ce dernier, enfiévré, part sur une tirade... la primordiale vertu d’ascétisme, la drastique autorégulation qu’il impose à son corps, il invoque Gandhi, Ignace de Loyola, l’esprit qui domine la matière, tout ça...  Il en impose. Son abnégation, son opiniâtreté... Et à une pareille heure, après avoir tant bu, après s’être tant décapé l’estomac... Vraiment, voilà un athée authentiquement nietzschéen, véritablement grec, impeccablement sadduccéen, l’avant-garde de la « race d’ascète » sans doute, celle-là même souhaitée par Céline à la fin de sa vie... Ainsi personne ne  veut goûter même une seule frite de ma « mitraillette » ? Alors on s’en va... Dans les rues encore. Ou va-t-on, que fait-on ? On ne sait... On est pétés, on rit, on crie... On est « lyriques ». J’ai l’impression d’être dans les années 1970.
Nous passons devant un « Kebab ». Un affreux établissement de kebab paré à l'entrée de photos au flash sur fond rouge des kebabs disponibles... On y entre. Voilà qu’ils craquent les ascètes. Fini les résolutions, voilà qu’ils veulent bouffer, et absolument bouffer, ça y est la digue est rompue... Les voilà qui commandent tout plein de « Durum » et de « Pita » et encore des « kefta-boulettes »... Bah et Ghandi ? S’en foutent ! Ils commandent énormément, puis ils insistent encore sur les sauces... ils les exigent abondantes et puis onctueuses, et puis riches en ail... C’est la débâcle des jeûneurs du dimanche... Les cuisiniers kurdes de l’établissement s’exécutent. A cette heure ils ont bossés non-stop depuis minuit les bougres, ils sont en sudation extrême, leurs pores élargis comme des pointillés de haut-parleurs aux joues, et ils cisaillent et découpent tout plein de viande au-dessus des vapeurs d’huiles des vapeurs d’eau des vapeurs d’ail... Des vapeurs « issues de la diversité ».
On s’installe comme des pachas sur les tables. D’ailleurs les établissements de Kebabs s’appellent souvent « le pacha » ou bien « le sultan ». Peut être à cause de l’hospitalité orientale, par ailleurs trop souvent galvaudée par les racailleux de chez nous : « tsékoi chez moi je te reçois comme un prince ! tsékoi tinkiète! »...  La clientèle est principalement féminine et même féminine caucasienne. Nous entamons un débat vif, un débat passionné tous les trois...  Un débat sur le coït, la baise avec la femme voilà. On parle un peu fort je crois. Tout commence d’une question que je pose au Blanc trentenaire : « mec l’Allemande en leggin là, tu sais... Tu aurais pu te la taper cent fois, elle te cherchait à fond alors qu’est-ce que tu as fichu ? »... Il dit que oui que peut être, hausse les épaules... A demi-mot il avoue qu’il a eu un problème dans le passé à force de baiser toutes les femmes. Il a eu un enfant d’une femme qui le lui a caché. Et il ne s’y attendait pas. Je n’insiste pas, et la discussion bifurque sur le thème de la capote...  Alors, la capote : faut-il s’en revêtir ou pas ? Là je soutiens que la capote est une honte, une ignominie, que c’est un gâchis de pénétrer avec capote, que je préfère absolument ne pas baiser que de m’affubler de cette insulte plastique. Avec véhémence je m’emploie à asséner les arguments tout en déconnant franchement, et ainsi nous passons un bon moment. Les autres conviennent avec moi d’ailleurs. Derrière nous, de jeunes clientes éclatent de rire, en effet nous parlons vraiment trop fort... Et nos mots « bite » et « foutre » et « limage » jurent comme des tâches de harissa sur des nappes bien repassées.
Et puis, que je leur dis pour la boustifaille, quand même les mecs, vous êtes des faux ascètes là... Ca existe pas le durum et les frites dans le « menu ascète » normalement... Alors ils se répandent en récriminations biaiseuses, comme quoi oui, mais non, mais tu comprends, le durum, par rapport à la mitraillette c’est pas... pareil et puis... Quel foutage de gueule. Et vas y que ça bouffe les ascètes, que ça « fait des crocs », que ça prend des bouchées... Ce qu’on est biens... C’est la camaraderie. J’aimerais être sur un chalutier avec ces types par exemple. Et pêcher des poissons et chanter des trucs, et boire du vin, et perdre deux kilos par jour dans l’effort...
Repus nous sortons. Il fait de plus en plus jour dans les rues. Le Blanc trentenaire récupère sa mobylette, marche à côté avec nous, s’exclame qu’il a perdu son casque. Je fonce au Kebab, je cours, voilà le casque ! Ouf. Le mec revient en mobylette, revient pétaradant et solitaire sur le trottoir désert, récupère son casque, je monte derrière sur le porte-bagages, et on fait comme ça une centaine de mètres sur le trottoir très laborieusement, pour rejoindre le prof de photos. Il est pété ce n’est pas sérieux. Je pense à une scène du « Péril Jeune ». J’ai l’impression d’être dans les années 1970.
On retrouve le prof de photo. Ils veulent aller dans un bar qu’est encore ouvert. Le bar ou précisément j’ai fracassé le barman la semaine passée (voir Marrave pour Jane Birkin). Je leur dit aux mecs. Ils me disent que vraiment pourtant ce barman est cool, que c’est une crème, que c’est dingue de s’être tapé avec lui... Peut-être était-il sincèrement épris de Zara. Il aurait dû me le dire, j’aurais décroché, je pense. Peut être que toutes les guerres sont causées par des malentendus et des incompréhensions...
On arrive devant le bar. Le vigile noir me reconnaît, mais au lieu de me bannir il me dit seulement « bon toi tu vas te tenir bien hein ». Je lui dit que c’est d’accord. On rentre dans l’établissement, c’est une atmosphère épaisse... Ils en sont les clients, à 12 heures de fête non-stop là dedans, 12 heures de sueur et de bières et de mecs en sueur serrés qui dansent les uns contre les autres sur du tam-tam électro. Y a des filles aussi. On perd le prof de photo. La dernière fois qu’on l’a vu il était en train de dormir sur le comptoir au milieu d’une populace très dense et très agitée. Il a dû rentrer en taxi chez lui.
Avec le Blanc trentenaire on va se caler dans le fond, sur des chaises. Y a plein de filles, c’est le bout du bout de la nuit, tout le monde est complètement pété. Une renoie engueule son mec latino, une Vanessa Demouy essaie d’embrasser une amie à elle de force et elles rigolent toutes les deux... Y a un type étrange qui se pointe, un énergumène, un look « béret-lunettes-treillis » et imperméable... On est en plein mois de juin. Le Blanc trentenaire me dit « Alors lui je le connais, il est génial lui !... Y sors de la lune !... Génial lui ! »
La Vanessa Demouy devient vite le point d’attraction de tous les regards, dans cette arrière salle. Elle se met à danser très « salope » sur des mecs, sur des filles, elle soulève sa jupe, s’assoit sur une fille qu’elle maintient à terre, l’embrasse de force... Elle se relève, chope un Louis Garrel bouclé, mais très fatigué, le type a des cernes noirs comme des cocards, elle le chauffe, elle embrasse plein de types...  Les filles, toutes, semblent vouloir absolument baiser, et ça c’est un genre de baise que je n’ai jamais eu : la baise du bout de la nuit avec une inconnue. Le Blanc trentenaire me dit qu’on pourrait croire que c’est bien, mais qu’en fait c’est pathétique dans les faits... L’alcool, le capote/pas capote, les odeurs, les tronches défaites... Que ce n’est pas glorieux, ça non.
Et puis sans prévenir, l’embrouille éclate. Le Louis Garrel chope un Slave rasé par le paletot, les yeux s’écarquillent, ça gueule plus fort que la musique... le tam-tam électro... c’est l’intimidation, c’est dans nos gènes en cas d’embrouille, on devient des chiens... C’est à cause de cette conasse, là !... C’est elle qui rend tous les mecs cinglés avec ses conneries. Les deux mecs se hurlent des menaces, et d’autres types arrivent, séparent, reviennent, se raccrochent... C’est parti pour durer. De toutes les chaises de l’arrière salle ça se lève, se réunit, s’empoigne... Des Blancs des Noirs, un Indien, un Arabe, toutes les nations du monde prêtes à s’étriper pour la Vanessa Demouy. D’ailleurs ou est-elle ? Je cherche dans la salle... Là ! Elle est contre un mur dans les bras d’un Noir, elle minaude, elle joue à celle qui a eu peur, et le Noir s’en donne à cœur joie dans le rôle du « mâle qui rassure de façon désintéressée mais tout en mettant la main cul, tu comprends ma belle je ne veux pas que tu souffres »... Putain de cochonnerie... Et ça continue ce bordel, le Blanc trentenaire se lève, essaie de séparer deux types qui commencent à se mettre des coups... Il est projeté d’un seul coup le Blanc trentenaire, quelqu’un l’a poussé... ça valse en arrière, ça se raccroche, ça renverse... des bruits de verre brisés ça et là... Quelle effroyable merde. Juste pour une nana quoi... Le vigile noir arrive, et il aboie plus fort que tout le monde, il écarquille les yeux plus que tout le monde, il calme tout le monde... Il ne vire personne. La Vanessa Demouy dans son coin, continue avec le Noir, elle sourit en disant des trucs à son oreille... Voilà que le Noir récupère toutes les meufs, les console, il en enlace deux à la fois... deux Blanches salopes. C’est le vainqueur de l’affaire, c’est le roi noir.
On se rassoit avec le Blanc trentenaire. Le calme revient. On commande des bières encore. On discute de choses et d’autres. Le mec me demande 5 fois si je suis Juif. C’est drôle. Puis annonce qu’il fait une fête avec des potes chez lui ce soir, qu’il a un jardin pour faire un barbecue, qu’il m’invite. Je suis comblé. Puis il me redemande encore si je suis Juif et puis finit son verre d’une traite et on se barre. Sur le trottoir devant l’établissement il récupère sa mobylette. Derrière nous un Noir parle à une Caucasienne. Puis la fille dit au revoir et s’en va dans la rue, elle marche, elle s’éloigne... Un Blanc rasé incite le Noir « mec mais c’est pour toi mais vas-y rattrape là, insiste ! Vas-y ! Vas-y ! Nique là ! »... Puis il rentre à l’intérieur le Blanc rasé. Le Noir resté seul fait quelques pas en direction de la fille, elle s’éloigne là bas seule, on voit sa tête blonde de dos, loin très loin... Il fait quelques pas le Noir... Et puis il s’arrête, fait un geste de dépit avec le bras, il revient sur ses pas.
Je dis au revoir. Rentre dormir un peu. Il est 9 heures.

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