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mardi 18 août 2015

3 juin 2012 - Gavras fils

Gavras fils

ACTUCINÉMAMUSIQUE — ARTICLE ÉCRIT PAR LOUNÈS LE 3 JUIN 2012 À 17 H 59 MIN 
Fruit de son époque, réalisateur très représentatif d’une nouvelle tendance dans la façon de faire des films et clips (tendance née autour de 2000 avec la généralisation de l’ accès à internet) Romain Gavras (fils du réalisateur Costa Gavras) est dans tous les bons coups de cette époque somme toute très pauvre en créativité.

Dès la fin des années 90, la « démocratisation » des outils du cinéma (mini-samplers, mini caméscopes, prises de son simplifiées et logiciels de post-production, ligne « Go Create » de Sony…) ouvrait la voie à une nouvelle génération de réalisateurs autodidactes. Une fois de plus la nouveauté technologique dirigeait les besoins humains et non l’inverse.

De toute évidence les meilleurs réalisateurs ont toujours été autodidactes, cf le prolétaire italo-américain Martin Scorcese qui avait cassé sa tirelire pour louer la caméra qui allait lui servir à tourner son premier long métrage. Cependant on assistait à l’émergence d’une génération de gars lambda, des monsieur-tout-le-monde ni plus bêtes ni plus intelligent que la moyenne, juste des gars qui étaient là au bon endroit au bon moment (Paris, 2000) et avec les bons contacts.

Le collectif Kourtrajmé, duquel est issu Gavras était alors malgré le très jeune âge des adhérents, à la croisée des chemins du meilleur des mouvements artistiques du moment. Rap, cinéma, musique électro, graffiti, le cadre élargi de ce collectif allait de NTM à O’Clock, de Kassovitz et Cassel à Dj Mehdi jusqu’à côtoyer avec les années certains cadres de la Mafia K’1 Fry et TTC et aujourd’hui le très prisé groupe « Justice ». C’est ainsi que des camarades de lycée du sud-est de Paris qui avaient un minimum de gamberge et de compréhension du fonctionnement d’un caméscope DV arrivaient sur le devant de la scène.

Une telle montée en puissance ne pouvait arriver qu’à Paris. Et quelle puissance, car se retrouver propulsé au poste très envié de jeune espoir du cinéma à Paris en 2000, lorsque l’on sait à quel point ce monde draine de ratages et de désir d’arrivisme,  représente un frisson que seuls de rares buteurs de ManU ont dû connaître.

La donnée de départ était simple : en tant que jeunes parisiens bien insérés dans le monde culturo-mondain de leur temps, les gars de Koutrajmé se trouvaient là ou bat le cœur du monde et le cœur de l’époque, raison pour laquelle leurs productions mettaient autant dans le mille (Paris by night, Easy Pizza Rider, Désir dans l’espace) et parlaient autant à tous les autres jeunes. Actuellement de ce point de vue, c’est le groupe 1995 qui occupe cette niche (pour la partie audio seulement).

Là ou bat le cœur du monde, on reçoit facilement des influx (influences et passerelles citées plus haut) que l’on peut ensuite facilement renvoyer dans le monde sous la forme de sang neuf. Ce sang neuf si vivifiant des premiers court-métrages de Romain Gavras tirait son intérêt d’une certaine audace, « ça va loin » pouvait-on se dire en visionnant le travail, ce n’était pas un simple truc d’amateur vite bâclé et pourtant c’était réalisé avec assez peu de moyens.

Dix ans plus tard la recette fonctionne toujours, et voilà le résultat : le dernier clip de la chanteuse M.I.A.


C’est beau, c’est fort, ça envoie du lourd… Et puis bon. Et puis on ne sait pas… Finalement c’est très décousu non ? Ok le cheval, ok le frisson, ok les puits de pétrole en feu et les hidjabs mais bon il y a quelque chose qui… Ok il y a un « univers » comme quand on rentre dans une boutique Nespresso, il y a ce cliché pour Blanc prompt à l’extase, on voit ce clip et on se dit que mince l’Arabie Saoudite ça a changé… A moins que ce ne soit le Quatar ? Le sultanat d’Oman ? En réalité rien de tout cela. Ce clip met en scène une chanteuse sri-lankaise dans le désert marocain avec des figurants déguisés en princes wahhabites, le tout filmé par un Français d’origine grecque.

Émotion sans objet réel, « culte du faux » dont parlait Céline (s’émouvoir faux, jouir faux) qui ne peut fonctionner totalement que sur des populations suffisamment coupées de toute culture générale, de tout instinct et de toute intuition. Les très remarqués « Born Free », « Notre jour viendra » et surtout « Stress » fonctionnent sur ce même principe. A chaque fois on peut y voir la morale que l’on veut : apologie de la racaille ou alors dénonciation sans pitié, quoi qu’il en soit ça donne quelque chose qui retient l’attention, une attention laissée vacante par une époque quasiment stérile en matière de production audiovisuelle de qualité (le niveau moyen des films qui sortent en salle étant de ce point de vue sans équivoque). Ce travail laisse perplexe car il semble ne pas prendre parti : les roux, la police, la racaille… On ne sait si l’on s’identifie à l’un ou à l’autre. Tous peuvent être « cools». En ratissant large, l’auteur attire à lui de larges populations de fans très disparates. Alors quel est le dénominateur commun qui peut bien parler à autant de gens? Réponse: l’émotion. Il y a indéniablement un talent dans ces réalisations, pour capter l’émotion et la communiquer. A ce titre, la publicité pour Adidas est l’apogée de la stricte émotion pour l’émotion : deux petites minutes d’images décousues enchaînées selon les aléas de la musique d’accompagnement.

En fait, il semble que ce réalisateur fasse simplement avec brio sur un écran ce que chacun peut faire dans sa tête à l’écoute d’une musique :

1)      La musique provoque des émotions

2)      Les émotions appellent des images

3)      On met en ordre ces images, on imagine un décor et des personnages pour « scénariser » ces images

Tout le monde fait ça non ? Un peu comme lorsqu’on est enfant et que l’on rêve qu’on sauve son amoureuse. Eh bien la « nouvelle réalisation » de l’école Kourtrajmé est parvenue à mettre sur écran ce genre de rêveries.

Argh… J’allais poster cet article et suis tombé in extremis sur No Church in the wild, sorti avant-hier (j’écris ceci le 1er Juin). Ah mince. Cette fois il y a peut-être parti pris, écueil obligatoire lorsque l’on fait métier de célébrer la violence. La racaille contre la police, les Noirs contre les Blancs avec un déséquilibre de bienveillance visible et voulu… Ca rappelle le puant « Paris riots are good times ». L’émeute c’est pas cool du tout, et la violence en vrai c’est très laid et très triste : les nez pétés, les chutes, les cris, les 4 contre 1…

Enfin bref, Gavras fils (de pute ?) ça c’est fait.

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