Analytics

mardi 18 août 2015

Sébastien Forgues - Samedi Paris Easy Life


Je suis très beau. D’un genre qui énerve. Ma carte d’identité indique que Sébastien Forgues âgé de 24 ans réside à Paris rue de la Faisanderie. Il paraît que je ressemble à Josh Hartnett, même que c’est les nanas que je baise qui me le disent. Je détiens la véritable passerelle entre les classes sociales : la beauté physique. Je détiens le surpassement de Marx, de Rousseau, et de Nietzsche aussi. Pendant que les gens se ratatinent dans l’intellectuel moi je me déploie dans le monde réel, pendant qu’ils réfléchissent en plissant le front moi je me décontracte post-baise. Lorsque volutes de fumée montent au plafond.
Ca commence vers 10 ans 12 ans ces choses là. Un beau jour on lâche les jeux et l’on se met à regarder les filles. Est-ce qu’elles vont nous regarder aussi ? C’est le virage final. Il n’y en aura plus d’autres dans toute la vie. Autant dire qu’il faut bien le négocier le virage. Ayant raté le virage ils chutent tous dans la fosse, ils tombent ils vont d’aspérités en surplombs le long de la falaise, ils butent, raclent tous les bouts de parois… Ils tâchent bien de se rattraper au vol ainsi ils s’engagent en politique, boivent, font du sport, ils violent ils bouffent ils radotent sont foutus en taule, se passionnent pour la botanique ils militent ils trépignent hurlent ils s’inventent des combats, se réveillent un matin très décidés un autre matin complètement abattus… Le temps allant, d’années en années ils ne savent même plus pourquoi ils en sont là pourquoi ils s’acharnent... La frustration première ils l’ont oublié. Ils essaient de la traiter par mille faux remèdes... Freud... Droits sociaux... engagement politique... Ils font tout à côté.
La beauté physique il n’y a que ça. L’implacable, l’irréfragable beauté physique. L’apparence physique considérée objectivement, avec une règle et un papier-calque millimétré, celle qui met tout le monde d’accord. La beauté du cœur ? La beauté dans les yeux de celui qui la voit ? Ah ah ah répond l’écho froid. La seule chose qui compte c’est l’anthropométrie fasciste des traits du visage, la proportion jambes/buste, la nervosité des chevilles, la finesse de la peau, la largeur des paupières la hauteur des pommettes, bref la santé qui dénote la puissance. ILS NIENT MAIS ILS EN CROQUENT TOUS DE CETTE LOI LA. Nous sommes des animaux ne l’oublions pas, sensibles à l’universel modèle archétypal de la beauté, le canon institué au plus profond de chacun de nous, celui qui ne souffre aucun débat, celui qui nous fait dire « oh là là c’te bombe atomique ». Tous cons, abrutis devant la beauté dans la fosse ils approuvent soumis et consentants, ils déposent armes et bagages, un seul mot de l’être « aimé » et ils iraient. La beauté uniquement physique, bien inscrite bien imprimée sauve de tout. A-t-on déjà vu un beau mourir de faim ? Vivre miséreux ? Manquer de quoi que ce soit ? Galérer de quelque façon que ce soit ? La beauté vous sauve. Et elle vous porte aux nues. Une imperceptible mécanique des fluides se met en place autour de vous : les gens se battent pour vous, c’est un honneur de vous tenir, de vous grappiller un peu… Après ils s’en vantent à leurs alter-égaux, car parés de miettes de vous ils peuvent alors jouer au prince. « Sébastien Forgues ? Ouais j’le connais ouais… ». La classe. On en est là. Enfin vous en êtes là. Un peu d’examen de conscience, vous verrez…
Les gens qui manifestent… Les pauvres. La gauche la droite… Ce n’est pas l’argent qui est la première valeur du monde matérialiste non c’est la beauté. Parce que l’argent n’est qu’une étape. L’argent sert à acheter la beauté, à la convaincre, à la séduire, à s’en approprier un peu. J’ai pas à m’emmerder avec le social, je suis hors-classe je suis dans une caste moi et même dans la première de toutes. C’est à ce fascisme là, celui de la caste que tous, tous sans exception obéissent absolument comme un logiciel à un code source. Nous sommes programmés, écoutez donc : « il est beau », « elle est belle »…  Regardez comme à leurs yeux la beauté à malgré eux de la valeur, combien elle peut les perturber, les détourner de leur route ennuyeuse. Ils passent une vie entière à essayer de devenir beaux, à courir enfiévrés péteux dans les magasins qui promettent monts et merveilles… Au mieux ils en seront un tout petit peu améliorés, mais au fond les cosmétiques n’y changent rien. Ramasser des balles à Roland Garros c’est leur victoire… Mais moi je brandis le trophée du tournoi, faut pas confondre.
Je le brandis à Paname en grand soir lorsque le rideau tombe, que se révèle sous les spots la solution de l’énigme, la foutue question qu’ils se posent tous « comment je vais faire pour me la niquer elle » réponse : t’avais qu’à être beau. Y avait d’autres moyens mais aucun aussi sûr que la beauté physique. Une fille peut abandonner son mec pour plus beau. Ecoute Nicole Kidman dans Eyes Wide Shut, le drôle de passage sur l’officier de marine. Les femmes sont sans pitié. Leur jugement est définitif, leur promesses jamais. Ce sont les mères qui adoptent et les mères qui rejettent. C’est la sélection naturelle.
La configuration spatiale de Paris intensifie cette sélection. La capitale jette en promiscuité 15 millions de gens les uns sur les autres dans un enclos grand comme le Lichtenstein. La ville est suffisamment innervée en technologies (transports, services...) pour que les femmes se dispensent d’une aide masculine (se déplacer, porter leurs courses... ) et suffisamment surpeuplée (= saturée de choix de rencontres possibles) pour que les femmes se fassent encore plus volages, cassantes et distantes qu’ailleurs bref,sélectives. Pour couronner le tout Paris est la capitale d’un pays mal-aimé de ses habitants. Ce qui réunit les Français c’est davantage la haine de leur pays que son amour. Ainsi ils n’ont objectivement rien à faire ensemble. Ils sont là par défaut. Ce principe inconscient est porté à incandescence par cette promiscuité décrite plus haut, qui excite la volonté de distance entre les gens et l’incivisme. Le fameux « stress et mauvaise humeur » des Parisiens. Ainsi les femmes de Paris ne partageant aucune « valeur humaine » avec leur prochain n’ont AUCUNE raison de se montrer aimable avec un inconnu à moins de trouver beau ce dernier.
La saleté et la violence inégalées des rues de Paris renforcent encore le mur entre les hommes et les femmes. L’incivisme qui affleure en agressions au bout des poings fermés des hommes racailles ou pas dés qu’ils ont un peu bus, dés qu’il y a une fille en jeu, se retrouve dans les journaux sous forme de faits divers. Lisez. Presque tous les affrontements physiques sont déclenchés par des « rivalités à propos d’une femme » comme on dit. Ces dernières, très conscientes d’être l’objet des guerres, comptent les points. Dans la forêt lorsque les cerfs se battent, les biches n’essaient pas de les séparer à ce que je sache. Alors qu’est ce qui permet de passer au-dessus de cette brutalité ? Réponse : la beauté encore et toujours. La beauté physique qui rayonne, qui attire qui vainc sans combattre. Fuyant la violence, la femme se réfugie dans le « fun » dans le doux, dans la paix. La beauté violence suprême, objective. Ce sont les laids qui font la guerre. Les chiffonniers abrutis ivrognes s’égorgent dans le caniveau et pendant ce temps le chevalier s’en va avec la princesse...
Enfin, la disproportion offre/demande intensifie terriblement la sélection naturelle. Faites l’expérience de « sortir à Paris ». Dans n’importe quel bar vous trouverez au mieux 4 filles libres dont 2 jolies et dont une pas trop névrosée. Et autour d’elle 40 ou 50 mecs « célibataires » affamés qui n’ont rien à perdre. Ainsi les filles sont comme le logement. Surévaluées. Tout réceptacle à Paris est surévalué : Logements, garages, nanas. Et en plus elles surinvestissent en fringues, maquillages et tout le bazar ce qui porte à un coût exorbitant le montant du retour sur investissement qu’elles attendent.  Quand il s’agit d’échanger leur ADN elles ne font pas dans les sentiments : valeur supérieure ou égale à la leur ou bien rien du tout. C’est dire comme la barre est haute. Ainsi, celui qui baise les nanas les plus « coûteuses » baise toutes les autres en-dessous. Celui qui baise, baise beaucoup. Ce type c’est le modèle Marc Lavoine à mâchoires, le Louis Garrel un peu précieux avec une bouche, le Romain Duris à barbe, et dans une moindre mesure le blondinet façon Ryan Philippe et puis aussi le Noir adapté avec physique, genre Mehcad Brooks le genre petit malin de Bastille « tu vas goûter aux charmes de l’Afwik’ ». Mais surtout celui qui baise à tous les coups, à devoir en séparer les nanas unanimes qui se battent pour lui c’est le Josh Hartnett. J’ai tout bon. Je pars premier d’un délicieux parcours.
Slalomer souplement, prendre appui sur la neige vierge, les piquets se courbent à mon passage « Vlam », « Vlam »…C’est moi en schuss l’ouvreur de la course, derrière ils cafouillent, se prennent les skis dans les traces, les bien creusées à la chacal déflorateur, ils font tout à côté cafouilleux suiveurs damnés ils foncent dans le décor… Moi je glisse. Pistes, chattes, tapis rouges je déroule, je n’ai pas à faire j’ai à être. La vie je la respire elle glisse en crachin sur mon fuselage, elle me rend beau, m’est douce, elle me caresse à la fin des sourcils qui eux même caressent mon visage, qui lui-même est caressé par des mains de fées tout doucement, des mains qui lissent et glissent... Je me fais beau pour aller retrouver des filles belles dans des endroits charmants, et pour faire ensemble des choses agréables. Tout est douceur. Elle ne pique pas la vie, c’est moi qui pique. C’est moi le Concorde dans la stratosphère là ou l’air moins dense encore vous fait plus rapide, plus flèche. En bas dans la fosse toujours ils trainaillent à mach zéro virgule merde leurs ailes trop ouvertes, rigides, abruptes, Boeing ou Airbus et encore ça... ça c’est quand ils ont de la chance, la plupart c’est bagnole au ras des pots d’échappements à humer à bouffer merde et insultes des cailleras qui laissent pas la priorité. Moi mâle Alpha j’ai les ailes delta…
On est samedi soir le 24 Octobre 2005. J’ai appelé les taxis G7. Tout à l’heure un Paki dans une grosse merco m’appellera à l’interphone pour que je descende et l’on foncera par les voies sur berge vers le Stresa le Flandrin le Baron, le bar du St-James, qu’importe... J’écouterai Yoshimoto dans mon Ipod et Paris « ville lumière » défilera au travers des vitres fumées, écran de ciné du film de ma vie enviée. Très serein je penserai vaguement qu’il y a trop de violence dans le monde qu’au fond il faut juste savoir prendre les choses comme elles viennent. Ariane Bousquet ma meuf d’en ce moment m’enverra un texto d’impatience pendant que je serai en pré-soirée au St-James Albany à me chauffer avec des potes au McCallahan 18 ans d’âge en discutant du film « la 25ème heure » et après deux appels à la laisser sonner dans le vide je les checkerai tous façon whigger décontracté et filerai la retrouver dans une boîte qui passe de l’électro… Le Social Club par exemple… Elle fera la bise au videur et descendra les marches me précédant, son sac devant ma main derrière. Elle criera voix aigüe et bras ouverts à la vue de ses connaissances puis viendra me retrouver sur la piste, elle virevoltera en robe Chloé chic et bohème, son genre qui contraste bien avec ses traits symétriques d’aryenne au port altier. Face à moi ivre gai au sourire euphorisé elle tournera sur elle-même légère, on croira que le sol est glissant tellement elle se mouvra aisément, pendant que tout autour les gens auront l’air lourds, empattés, chaussés de crampons, harnachés de médailles d’argent… Elle me galochera devant ses potes et ils me regarderont avec cette coolitude de mecs qui ne sont pas jaloux mais qui en fait le sont. Les enceintes cracheront à fond du David Carretta et du Paul Nazca, et le sentiment puissant d’euphorie qui se dégage du morceauEmotion à partir de 3’17 juste après le break s’accordera très bien avec mon état d’esprit de l’instant. C’est moi Sébastien Forgues. Ariane au Nirvana me dira vingt fois dans la soirée qu’elle s’éclate avec moi qu’elle est trop contente d’avoir pu me présenter à sa copine Hannah mais je ne saurai même pas qui c’est. Peut être la brune samaritaine façon Aure Atika qui me chopera par le bras pour me proposer un « toilette-minute » lorsque que je commanderai au bar à un moment. Faut s’attendre à tout de la part des « copines ».
Dans la boîte il y aura des mecs bourrés qui auront l’alcool triste, l’alcool fatigué… Dés une heure du matin embourbés jusqu’à la noyade ils feront des bulles dans la boue liquide, floués, bernés comme des cocus par la lutte qui se joue d’eux, le Social Club cul-de-basse-fosse, pour eux château dont la princesse qui sauve, la Ariane Bousquet partira avec moi. Mais moi elle ne me sauve pas, c’est ma beauté qui le fait. Dans une semaine Ariane je la larguerai. Ce soir les mecs ils rentreront chez eux à pied, ils paieront pigeons, trente euros de taxi ou attendront le premier métro, ils dormiront par terre… Y a même des clients de cette boîte parait-il qui habitent en banlieue à deux heures de RER, ils viennent quémander depuis Villiers-sur Marne les galériens… Enculés jusqu’à la garde par l’immanence absolue des rapports sociaux, celle qui échappe à tous les petits babillages conceptuels ils ne se rendront même pas compte que ce soir ils étaient mes gueux, mesvilains. On rentrera chez Ariane avenue Georges Mandel et elle commencera à me sucer dés l’escalier à tapis rouge allégorie de mon parcours. Il faudra que je la relève par les coudes que je la pousse devant et je lui collerai au train face à la porte pendant qu’elle cherchera ses clés en étouffant des rires. Pendant ce temps sur le trottoir du 142 rue Montmartre devant la boîte il y aura des maraves, des hurlements des lynchages comme tous les soirs à Paris. Il y aura des nez pétés, du sang en gouttes noires éclaboussées sur le trottoir. Ca sèchera vite. Le lendemain ça recommencera. L’effroyable lutte continuera. Ils se battent pour quoi dans le peloton? Pour un centième de seconde d’avance sur la ligne d’arrivée… Ils se valent à peu près tous donc ils charbonnent pour se démarquer… Ils doivent faire. Moi je suis déjà arrivé.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Merci d'utiliser, au minimum, un pseudo.
A défaut, je supprimerai le commentaire.
Merci à vous!