Chère
Sandrine,
Je
suis tellement désolé pour l’autre soir chez Claire je
me suis enfoncé dans cette maladresse, je ne réalisais pas qu’en
parlant des gens qui dorment dans la rue j’appuyais sur ta douleur
d’avoir perdu ton frère mort de froid ainsi en anonyme. C’est
comme ça que l’on vit chez nous. Les gens meurent seuls dans la
rue parce que nous les avons abandonnés. A Grenoble j’en
connaissais. Ils ont de quoi manger, ils n’ont pas de danger
immédiat qui pèse sur leur survie mais voilà ils n’en peuvent
plus, ils ont été abandonnés, par leur Famille par leur femme
souvent…
Mais
c’est toute cette soirée qui m’a rendu furieux, insensible à
l’éventuelle douleur des autres. D’abord cette pièce de
théâtre. J’y suis allé pour faire plaisir à Claire. Mais de
moi-même je n’irai jamais voir des spectacles à part des ballets
classiques, parce que tout cela est dégoûtant toujours teinté
d’idéologie et de cochonneries « sociales ». Déjà je
n’aime pas la pensée de Diderot, mais en plus là c’était
Diderot remixé par Kundera remixé par un metteur en scène. Et là
bas cela m’a vraiment dégoûté de voir tous ces sales vieux
prendre leurs places et attendre de jouir du spectacle dûment payé.
Sur scène qu’a-t-on vu ? Un vieux beau
réalisateur-producteur-acteur en personnage principal et puis des
jeunes filles blanches agiter leurs culs, jouer aux salopes qui ne
font pas exprès. Ca me provoquait des remontées de pensée de
pression interraciale, de la ligne de front dehors, dans le réel, la
putain de ligne de front qui recule comme une ligne de calvitie. Le
monde est en train de s’écrouler parce que les jeunes filles
blanches sont trop rares trop belles et trop protégées. Et surtout
dans la salle je voyais tous ces sales vieux rigoler, ces loosers ces
ignorants du monde et du combat, ces ignorants de la ligne de front.
Je bouillonnais j’avais envie de me lever d’aller sur scène de
cogner le bellâtre et de gueuler un truc comme vive l’Action
Française bande de fils de putes. Est-ce qu’il n’y a que moi le
batard le métis pour me rendre compte du danger que court la France
par la faute de la bonté imbécile des Céfrans eux-mêmes ? Le
triomphe de « Jacques et son maître » c’est vraiment
la plus ignoble chose, cela me fait aussi mal d’y assister qu’à
un tonnerre d’applaudissement sur un plateau télé pour Yannick
Noah. Cela me fait mal de voir à quel point il n’y a AUCUNE
BARRIERE entre le prétendu monde blanc et sa désintégration par le
ventre. Tu met un Blanc se baladant avec une femme arabe même voilée
dans n’importe quel endroit de Alger, Le Caire, Damas, et des
centaines de regards haineux voire plus si affinités suivront le
couple au fur et à mesure de son parcours. Tu mets n’importe quel
salope blanche sous la protection coercitive de Houhzkrib ou de
Bonoba et tu leur fait faire un tour de France, ils ne souffriront
pas du moindre désagrément. Je n’en peux plus de cette
gentillesse imbécile de cette dégueulasserie de cette cochonnerie,
je suis Tintin au pays des peigne-culs et je n’en peux plus d’être
le bâtard, le mi-mi, celui qui comprend très bien le sens de la
lâcheté des uns et de la hardiesse des autres, parce que moi qui
ait vécu chez les deux camps personne ne peut me la faire.
Ensuite
le dîner chez Claire ça a été le pompon. Je pensais passer une
bonne soirée en famille mais pardon j’ai vu une bande de
bourgeois, de pleins de fric sous trois mètres de plafond et qui
disent entre deux bouchées de foie gras qu’ils n’aiment pas
rendre service et que c’est très bien ainsi. J’ai vu cette
cochonnerie que je croyais celle des autres, m’être jeté à la
face par les miens même, ceux de mon côté céfran et ça je ne le
supporte pas. On venait de voir un spectacle qui crache explicitement
sur la Bible, à cent mille lieues de constituer un semblant de début
de société occidentale viable comme dans le film Nixon. Et j’ai
vu une bande de renégat échanger des anecdotes sur un collègue
professeur de physique-chimie qui aurait, assure-t-on, dit un mot de
travers de porc sur les « Magrébins ». Cet apitoiement
me dégoûte tellement si tu savais… Mais si tu savais les
« Magrébins » comme ils attendent affamés ce genre de
faiblesse, ce genre d’humanité pour vite-vite prendre un peu plus
de place encore, pour y mettre à l’aise leurs bourrelets dans
l’espace public comme on dit. Ah mais si tu savais ce qu’ils
pensent de « vous »… Je suis celui qui sait combien il
est criminel d’accuser la France et combien il est facile de
s’algérianiser, de se laisser aller. A chaque saleté de titre de
journal dans les kioskes, à chaque affiche de film « elle est
blanche, elle est raciste elle va devenir noire », à chaque
balise de ce nihilisme énorme et chaque jour renouvelée c’est une
écharde qui s’enfonce sous ma peau. Alors je me suis construit
tout un système de défense pour tâcher d’ignorer les voies d’eau
de ce grand bateau qui coule.
J’ai
parlé des clochards j’ai dis « les moisis ». Pardon
c’est comme cela qu’on disait à Grenoble. Je n’ai pas eu le
temps de dire avant que tu quittes la table en pleurs que les moisis
sont mes frères, que le moisi c’est moi. Moi l’inadapté lorsque
je pleure personne ne le voit, normal je suis seul chez moi. De
partout je suis rejeté parce que trop fou trop jusqu’au-boutiste.
Je hais tellement ce monde que je veux me battre à chaque coin de
rue parce que les filles ont trop de pouvoir et notre force d’homme
est inutile. Y a pas de complot sioniste ni de projet concerté ni de
Oumma ni de Takia ni de protocoles. Y a que des filles très belles
et la pression énorme que cela met sur les hommes, en particulier
les imbéciles à vif comme moi. Les moisis sont les meilleurs
d’entre nous. Ils sont les inadaptés les vrais les humbles les
Capitaine Conan, pour qui ne suffit pas la vision de leur solde
positif de compte en banque. Et par bourgeois je désigne
les plus abominables d’entre nous, les 99% d’entre nous, ceux qui
osent adopter cette posture rebelle «je le dis sans honte : je
n’aime pas rendre service ». C’est des gens qui
n’aiment pas rendre service, oui c’est de ces chiens là que
meurent les moisis. C’est de cette suffisance de ce confort, de ses
coussins écrasés ou le bourgeois assit ses viandes que meurent les
humbles les beaux, les hypers-sensibles qui n’avaient besoin que de
l’amour, la nourriture ils pouvaient l’avoir, mais qui ne l’ont
pas car les bourgeois qui n’aiment pas rendre service ne sont mûs
que par leur désir. Les bourgeois désirent aller au théâtre, dire
du mal de leurs compatriotes puis aller se coucher, écrasés de
fatigue digestive, repus de confort, et maudissant l’infâme qui a
prononcé le mot « moisi » pour qualifier ceux qui
dorment dans la rue parce que le bourgeois il sait ! Lui il est
au courant hein les infos les journaux il la connaît la misère !
Il est contre la misère !
Je
ne savais pas qu’il était décédé ton frère pardon. Ce monde
est en train de s’écrouler. Les meilleurs d’entre nous s’en
vont dans l’indifférence et on les remplace par des étrangers
incapables qui n’en valent pas un dixième, qui augmentent sur nous
la pression et l’urgence de trouver une femme, de nous accomplir
dans la vie. C’est par notre faute qu’il est mort. Notre monde
est tellement palpable, la Bible mais c’est des contes pour enfant
nous dit-on. Pourtant comment ne pas voir dans ce drame les vérités
sans cesse répétées de la Bible ? Les puissants mangent à
leur faim et ne veulent rien savoir de ce qui se passe au dehors, ils
veulent ignorer, oublier. Et les humbles portent le fardeau des
puissants pour qu’ils continuent à se croire puissants.
Pardon
pour la sortie proche de « famille je vous hais » avec
une citation de Léon Bloy. Je vous aimerai toujours vous êtes mon
point d’amarrage dans le monde, pour moi le bâtard élevé entre
autre par une grand-mère avenue Mozart qui me montrait des images
sur planches cartonnées de l’histoire de France « alors ça
tu vois Lounès c’est Jeanne D’Arc quand elle arrive à… » pour
moi vous êtes la France elle-même, la fantasmée, la intérieure,
celle de Bernanos et de Drieu, et pour m’avoir aimé lorsque
j’étais petit pour m’avoir ainsi rempli de votre bienveillance
de Céfrans j’aurai toujours un océan d’amour pour vous par delà
les déserts nombreux ceux de la solitude qui forment ma vie.
Affectueusement Lounès
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