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mardi 11 août 2015

13.05.2009 - Lettre à ma tante


Chère Sandrine,
Je suis tellement désolé  pour l’autre soir chez Claire je me suis enfoncé dans cette maladresse, je ne réalisais pas qu’en parlant des gens qui dorment dans la rue j’appuyais sur ta douleur d’avoir perdu ton frère mort de froid ainsi en anonyme. C’est comme ça que l’on vit chez nous. Les gens meurent seuls dans la rue parce que nous les avons abandonnés. A Grenoble j’en connaissais. Ils ont de quoi manger, ils n’ont pas de danger immédiat qui pèse sur leur survie mais voilà ils n’en peuvent plus, ils ont été abandonnés, par leur Famille par leur femme souvent…
Mais c’est toute cette soirée qui m’a rendu furieux, insensible à l’éventuelle douleur des autres. D’abord cette pièce de théâtre. J’y suis allé pour faire plaisir à Claire. Mais de moi-même je n’irai jamais voir des spectacles à part des ballets classiques, parce que tout cela est dégoûtant toujours teinté d’idéologie et de cochonneries « sociales ». Déjà je n’aime pas la pensée de Diderot, mais en plus là c’était Diderot remixé par Kundera remixé par un metteur en scène. Et là bas cela m’a vraiment dégoûté de voir tous ces sales vieux prendre leurs places et attendre de jouir du spectacle dûment payé. Sur scène qu’a-t-on vu ? Un vieux beau réalisateur-producteur-acteur en personnage principal et puis des jeunes filles blanches agiter leurs culs, jouer aux salopes qui ne font pas exprès. Ca me provoquait des remontées de pensée de pression interraciale, de la ligne de front dehors, dans le réel, la putain de ligne de front qui recule comme une ligne de calvitie. Le monde est en train de s’écrouler parce que les jeunes filles blanches sont trop rares trop belles et trop protégées. Et surtout dans la salle je voyais tous ces sales vieux rigoler, ces loosers ces ignorants du monde et du combat, ces ignorants de la ligne de front. Je bouillonnais j’avais envie de me lever d’aller sur scène de cogner le bellâtre et de gueuler un truc comme vive l’Action Française bande de fils de putes. Est-ce qu’il n’y a que moi le batard le métis pour me rendre compte du danger que court la France par la faute de la bonté imbécile des Céfrans eux-mêmes ?  Le triomphe de « Jacques et son maître » c’est vraiment la plus ignoble chose, cela me fait aussi mal d’y assister qu’à un tonnerre d’applaudissement sur un plateau télé pour Yannick Noah. Cela me fait mal de voir à quel point il n’y a AUCUNE BARRIERE entre le prétendu monde blanc et sa désintégration par le ventre. Tu met un Blanc se baladant avec une femme arabe même voilée dans n’importe quel endroit de Alger, Le Caire, Damas, et des centaines de regards haineux voire plus si affinités suivront le couple au fur et à mesure de son parcours. Tu mets n’importe quel salope blanche sous la protection coercitive de Houhzkrib ou de Bonoba et tu leur fait faire un tour de France, ils ne souffriront pas du moindre désagrément. Je n’en peux plus de cette gentillesse imbécile de cette dégueulasserie de cette cochonnerie, je suis Tintin au pays des peigne-culs et je n’en peux plus d’être le bâtard, le mi-mi, celui qui comprend très bien le sens de la lâcheté des uns et de la hardiesse des autres, parce que moi qui ait vécu chez les deux camps personne ne peut me la faire.
Ensuite le dîner chez Claire ça a été le pompon. Je pensais passer une bonne soirée en famille mais pardon j’ai vu une bande de bourgeois, de pleins de fric sous trois mètres de plafond et qui disent entre deux bouchées de foie gras qu’ils n’aiment pas rendre service et que c’est très bien ainsi. J’ai vu cette cochonnerie que je croyais celle des autres, m’être jeté à la face par les miens même, ceux de mon côté céfran et ça je ne le supporte pas. On venait de voir un spectacle qui crache explicitement sur la Bible, à cent mille lieues de constituer un semblant de début de société occidentale viable comme dans le film Nixon. Et j’ai vu une bande de renégat échanger des anecdotes sur un collègue professeur de physique-chimie qui aurait, assure-t-on, dit un mot de travers de porc sur les « Magrébins ». Cet apitoiement me dégoûte tellement si tu savais… Mais si tu savais les « Magrébins » comme ils attendent affamés ce genre de faiblesse, ce genre d’humanité pour vite-vite prendre un peu plus de place encore, pour y mettre à l’aise leurs bourrelets dans l’espace public comme on dit. Ah mais si tu savais ce qu’ils pensent de « vous »… Je suis celui qui sait combien il est criminel d’accuser la France et combien il est facile de s’algérianiser, de se laisser aller. A chaque saleté de titre de journal dans les kioskes, à chaque affiche de film « elle est blanche, elle est raciste elle va devenir noire », à chaque balise de ce nihilisme énorme et chaque jour renouvelée c’est une écharde qui s’enfonce sous ma peau. Alors je me suis construit tout un système de défense pour tâcher d’ignorer les voies d’eau de ce grand bateau qui coule.
J’ai parlé des clochards j’ai dis « les moisis ». Pardon c’est comme cela qu’on disait à Grenoble. Je n’ai pas eu le temps de dire avant que tu quittes la table en pleurs que les moisis sont mes frères, que le moisi c’est moi. Moi l’inadapté lorsque je pleure personne ne le voit, normal je suis seul chez moi. De partout je suis rejeté parce que trop fou trop jusqu’au-boutiste. Je hais tellement ce monde que je veux me battre à chaque coin de rue parce que les filles ont trop de pouvoir et notre force d’homme est inutile. Y a pas de complot sioniste ni de projet concerté ni de Oumma ni de Takia ni de protocoles. Y a que des filles très belles et la pression énorme que cela met sur les hommes, en particulier les imbéciles à vif comme moi. Les moisis sont les meilleurs d’entre nous. Ils sont les inadaptés les vrais les humbles les Capitaine Conan, pour qui ne suffit pas la vision de leur solde positif de compte en banque.  Et par bourgeois je désigne les plus abominables d’entre nous, les 99% d’entre nous, ceux qui osent adopter cette posture rebelle «je le dis sans honte : je n’aime pas rendre  service ». C’est des gens qui n’aiment pas rendre service, oui c’est de ces chiens là que meurent les moisis. C’est de cette suffisance de ce confort, de ses coussins écrasés ou le bourgeois assit ses viandes que meurent les humbles les beaux, les hypers-sensibles qui n’avaient besoin que de l’amour, la nourriture ils pouvaient l’avoir, mais qui ne l’ont pas car les bourgeois qui n’aiment pas rendre service ne sont mûs que par leur désir. Les bourgeois désirent aller au théâtre, dire du mal de leurs compatriotes puis aller se coucher, écrasés de fatigue digestive, repus de confort, et maudissant l’infâme qui a prononcé le mot « moisi » pour qualifier ceux qui dorment dans la rue parce que le bourgeois il sait ! Lui il est au courant hein les infos les journaux il la connaît la misère ! Il est contre la misère !
Je ne savais pas qu’il était décédé ton frère pardon. Ce monde est en train de s’écrouler. Les meilleurs d’entre nous s’en vont dans l’indifférence et on les remplace par des étrangers incapables qui n’en valent pas un dixième, qui augmentent sur nous la pression et l’urgence de trouver une femme, de nous accomplir dans la vie. C’est par notre faute qu’il est mort. Notre monde est tellement palpable, la Bible mais c’est des contes pour enfant nous dit-on. Pourtant comment ne pas voir dans ce drame les vérités sans cesse répétées de la Bible ? Les puissants mangent à leur faim et ne veulent rien savoir de ce qui se passe au dehors, ils veulent ignorer, oublier. Et les humbles portent le fardeau des puissants pour qu’ils continuent à se croire puissants.
Pardon pour la sortie proche de « famille je vous hais » avec une citation de Léon Bloy. Je vous aimerai toujours vous êtes mon point d’amarrage dans le monde, pour moi le bâtard élevé entre autre par une grand-mère avenue Mozart qui me montrait des images sur planches cartonnées de l’histoire de France « alors ça tu vois Lounès c’est Jeanne D’Arc quand elle arrive à… »  pour moi vous êtes la France elle-même, la fantasmée, la intérieure, celle de Bernanos et de Drieu, et pour m’avoir aimé lorsque j’étais petit pour m’avoir ainsi rempli de votre bienveillance de Céfrans j’aurai toujours un océan d’amour pour vous par delà les déserts nombreux ceux de la solitude qui forment ma vie. Affectueusement Lounès

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