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mardi 18 août 2015

Cyril Terné - Samedi Paris No Life




Le samedi il faut avoir du ''fun'. En semaine on est fatigué, on doit se coucher tôt pour bosser le lendemain, on a l’excuse, on élude. Mais le samedi il faut assurer. Il faut et il vaut mieux avoir plein de choses à faire, plein de propositions de sorties, plein de copains et de copines à voir... Comme ça on reste dans le coup socialement parlant. Parce que cette brutale irruption de « temps libre » vous met à nu. Si on n’a pas de vie sociale c’est qu’on n’est pas assez aimé. Et si on n’est pas assez aimé c’est qu’on n’est pas assez aimable. Et c’est tout.
C’est à ça que je pense en marchant vers le jardin du Luxembourg après une vague course dans le quartier. Car en ce samedi j’avais seulement cette activité là de prévu. Je m’appelle Cyril Terné j’ai 26 ans nous sommes le 21 Octobre 2008, il est 14h16 et je n’ai rien à faire jusqu’à mon RER de 18h34. Je vais traîner dans Paris, faire des détours, flâner, Ca me mènera bien jusqu’à 18h34.
 
1/ RIVE GAUCHE
Rien de plus dangereux que de flâner à Paris ou mille minois, boutiques, publicités t’attirent tant et tant le regard qu’au bout de vingt minutes tu en as la tête qui tourne. Ici plus qu’ailleurs il faut avoir un but. Ne surtout pas se laisser happer par ces arrondissements en colimaçon qui tournent en  spirale qui vous alpaguent, qui vous entraînent. Et pas façon « folle farandole ». Façon siphon de lavabo. Paris, cette capitale qui innerve la France, cet étrange « centre » qui est loin de tout, excentré, distant de 2 heures minimum de la première habitation abordable. Tous les gens qui déambulent sur les trottoirs ce sont des passants. Pour la très grande majorité ils n’habitent pas là les gens. Personne n’habite là. Les passants ce sont des touristes étrangers, des racailles, des poseurs… que des gens qui n’ont rien à foutre ici donc,  qui ne sont pas enracinés dans la ville, qui n’en sont pas dépositaires. Les gens viennent pour une sortie, pour s’embellir à l’ombre de Paris, mais personne ne cherche à embellir Paris. D’ailleurs plus rien de beau n’est crée ici depuis au moins 70 ans en art, architecture, en quoi que ce soit.
Ce qui frappe c’est l’absence de gens « normaux ». De gens qui seraient enracinés dans leur ville avec leur famille depuis plus de trois générations, de gens vêtus correctement, polis, identifiables comme « parisiens » comme sur les cartes postales noir & blanc des kiosques. Ou sont-ils passés ceux là ? Et les vieux des années 80-90 ? Les magnifiques vieux tirés à quatre épingles même pour aller acheter le pain, ces exquis qui s’ignorent, qui avaient des tics de langage « ah voilà... », « puis-je me permettre de vous demander... », « eh bien figurez vous que… » avec un accent circonflexe sur les « a »… Ne mourrez pas les vieux s’il vous plaît ! On se fait tellement chier sans vous…
Comment appréhender un espace urbain que tout le monde fréquente mais que personne n’habite ? Un endroit ou les gens ne font que passer ? Que se servir et partir ? Quelle autre conséquence cela peut-il avoir qu’un bouleversement du rapport des gens à autrui et aux choses de cet espace, c'est-à-dire un bouleversement du sens civique ? « A nous d’inventer la symphonie du vivre ensemble ! » pourraient alors clamer les gauchistes... Mais la réalité qu’avons-nous ? Un « tous contre tous » en cacophonie avec Delanoë à la baguette, chef d’orchestre battant mesure de l’autodestruction festive.
Certes Paris l’on peut y loger sur place mais alors… Alors entassés en promiscuité étroite, en empiètements mutuels des porcs élevés à 7 par box à raison de 15 box par étages, soit 105 réclamations de respects des droits individuels « tous contre tous » macérant ensemble par 40 degrés les soirs d’été, lorsqu’il faut baiser, que dehors la rue les filles les jupes se font plus pressantes, que la frustration se fait plus brûlante… absurdité évidente, semailles de guerre civile… Non vraiment il n’est d’échappatoire nulle part à cette porcherie à moins d’être très aimé, et assidûment, quotidienne évasion en esprit de ce labyrinthe. Et ne parlons pas des loyers.
2/ LES QUAIS
Voilà Paris en scintillements du fleuve, soleil rasant sur les murs en pierre qui ont vus passer Henri IV, aux terrasses ribambelle des jeunes filles répréhensibles, promesses qui n’engage que vous d’un bonheur possible, grimper sur scène avec elles est mon écueil car je jouerais tout mon royaume pour ce cheval d’orgueil.
Paris renvoie au passé je trouve. Pitié-Salpêtrière, Hôtel-Dieu, rue des Franc-bourgeois, tous ces noms... Pour un peu ce serait le Moyen-âge... Un monde de Yseult et de Jeanne d’Arc, de jeunes Manon des sources de paysannes qui s’appelleraient Madeleine ou Margot qui seraient très pieuses et très chastes... Enfin ça c’est dans tes rêves bouffon... Les Manon des sources ça ne court pas les rues... La plupart des vains chercheurs de sources savent qu’en réalité on prend ce qu’il y a, que le romantisme à deux balles finit souvent en houellebecquien chuintement de latex « Manix » sur une demi-molle... Que ça se finit en nana qu’on a bataillé pour, qui se met sous les draps, se désape sans autorisation et qui dit « allez vas-y »… Moi ça me fout la nausée ces plans là, à en sentir poindre gerbe et larmes tellement que je vois pas les choses comme ça. La vieille pounche post-restaurant du couplinet  bien sage quelle horreur...  Vraiment le cul n’est intéressant que si c’est « mal » que s’il « ne faut pas ».
Et puis elles sont surévaluées les parisiennes c’est évident. Toute vraie rencontre est impossible. C’est une réponse qui bruisse sourdement à nos vains appels, elle murmure là sur le pont des arts, elle chuchote « c’est impossible » aux pathétiques sorties du samedi soir lorsque sans réseau parfaitement ignoré, tu sens un picotement aux yeux dés 23h et un bâillement réprimé, alors tu comprends que tu joues au mec qui kiffe mais que tu souhaites aller te coucher, rentrer seul qu’on te foute la paix, que toute cette mascarade te foute la paix, que la merde tu en es devenu complice, tu t’en es fait une amie pour mieux la supporter. Encore un weekend pour rien. Cela ne t’empêche pas de vivre, mais le temps passe et le temps n’attend pas. Make sure your time is well spent préviennent parfois sur un panneau à l’entrée les églises protestantes du Commonwealth. L’horloge est bien réglée, elle fixe un agenda qu’il vaut mieux suivre à la minute pour pouvoir rester dans la danse. Cette continuité là, celles et ceux qui ont eu la grâce d’en jouir ce sont des extra terrestres. Eux et moi on pourrait communiquer mais jamais se comprendre. Ils sont moi qui n’aurais pas souffert, je les appelle les « parcours continus ».
Ce qu’il faut c’est se confronter à ses peurs et en sortir fort et rasséréné. Mener la lutte sans chercher le confort. La lutte est pénible et le confort est tentant... La honteuse douce tentation... rentrer s’enfermer chez soi, s’acheter une console et jouer toute la journée, fumer des joints se bourrer la gueule... se branler devant des pornos, s’enfumer la tête de théories du complot, s’alimenter en mélancolie pour ressentir encore des choses... Bouffer l’ersatz de la vie... Faut pas s’y tromper ! Ce qui compte s’est de se battre dans le réel. Mais comment ? Comment putain, comment ? C’est comment qu’on se bat ? Sortir marcher ? Rentrer dans un bar taper la discute ? La « drague de rue » ? Quoi faire bon sang quoi faire... Persona non grata du triomphe des corps, définitivement vaincu de cet après midi étouffante, Cyril Terné suintant l’anxiété du quémandeur d’affection je donnerais n’importe quoi pour une après-midi ensoleillée à rigoler avec une petite aryenne de chez nous au jardin du Luxembourg. Au comble de la frustration je pourrais rentrer m’enfermer chez moi pour visionner un dvd sur la vie et l’œuvre de Pierre Sidos et peut être que là, à mille lieues d’une Johanna bouche charnue et leggin sur le pont des arts je toucherais véritablement le fond… Que de cette épreuve nietzschéenne je remonterais plus fort plus beau, car c’est bien comme ça que l’on nous a appris la vie : les échecs préparent les victoires n’est-ce pas, depuis Vegeta super-saïen à Tahar Rahim dans « Un prophète »... Normalement c’est comme ça… Mais en réalité, pour un seul Malik El Djebenna combien de Richard Durn ? D’ailleurs est-ce que l’on sait que le film culte de ce dernier était Taxi Driver ? Voilà comment il a fini…
Le ressentiment des Richard Durn est le produit de leur histoire personnelle certes. Mais aussi le produit d’une société qui vous fait comprendre qu’il n’ya pas d’issue, une société qui méprise le mérite et le travail, lui préférant une ambiance de branleurs subventionnés. Le looser à Paris c’est le bosseur. Tu n’es jamais autant looser qu’en étant livreur, serveur, déménageur, vendeur dans un magasin… Bref être un type qui ne peut pas se coucher tard, qui a des coûts fixes élevés et peu de revenus, qui voit les racailles en maillot du Brésil s’amuser sur un terrain de foot municipal peut-être grâce à l’argent de ses impôts… Les mecs qui décrochent et que l’on appelle clochards ce n’est pas de biens matériels qu’ils ont manqués. C’est d’allant, de débouchés, d’issues... Car il y a des gens comme ça qui crèvent dans l’abondance de bouffe, sans vraiment comprendre ce qui les tue. Quelqu’un a écrit que la damnation c’est de souffrir mais d’ignorer pourquoi. Les clochards sont les martyrs de la lutte. La lutte s’est complexifiée, elle ne consiste plus à ne pas crever de faim, mais elle consiste toujours dans le fait de se perpétuer. Comment y comprendre quelque chose... Puisqu’on peut en ne foutant rien avoir l’assurance de bouffer à sa faim. Puisque rien ne nous pousse à nous surpasser vraiment.
Paris observatoire d’un monde qui change, Paris manifestation objective des soubassements du changement, ses trottoirs garnis de crottes, ses énormes publicités sur kiosks pour le magazine l’optimum,  ses aryennes antiracistes de Bastille qui se perfectionnent en salsa à la Favela Chic, ses échanges associatifs danse hip-hop /danse contemporaine subventionnés, ses voyages de classe à New York, son enculage interracial financé par les impôts, sa jeunesse dorée étudiant en école de commerce qui se tape dans la main avec des poses de gangsta rappeur « c’est bon ça »... Le monde change à une vitesse hallucinante. Et Paris-Bastille en est un observatoire aussi valable que la Silicon Valley.
3/ REFLEXIONS SUR PARIS BASTILLE
 Ne jamais sous-estimer la force de la salsa comme passerelle pourvoyeuse de chaos. Katie Cullen lardée de 130 coups de couteau avait connu son tortionnaire  dans un club de salsa…. C’est tellement évident…. L’aryenne infirmière de 35 ans douce et coquine, et son acharnement à aller vers le merdique vers le bas la destruction le caca bien brunâtre bas du front gras des cuisseaux… Je connais bien des Katie Cullen. Mais je ne les comprends pas.
Les Katie Cullen comme des femmes-lumières dans les quartiers « passerelle »: Bastille, Oberkampf, Bercy, Champs Elysées, Saint-Michel, Pigalle... Là ou ça s’entrechoque, là ou la  bourgeoisie et les classes moyennes caucasiennes des 1,1 enfant par femme rencontre le prolétariat aisé des Arabes et Noirs à 7 enfants par femme. Dans ces quartiers là se sont déroulées les bagarres les plus violentes que j’ai vu de toute ma vie. Des quinze contre un, des flaques de sang par terre, des pogromeurs en fuite, ce sentiment de triomphante impunité, la fin de la raison, qu’il n’y aura aucune conséquences pour les lyncheurs aussitôt disparus, tous semblables, pas distinguables, sans-identité
Et cette constante implacable dans les constats: les massacreurs de blancs avaient la même apparence que certains autres, en paix ceux là, main dans la main avec jolies caucasiennes à nez droit. Paris ça sent le cramé. Paris est le théâtre des opérations d’une collusion de deux mouvements disjoints qui en réalité n’en forment qu’un, niquer et baiser : niquer les hommes pour déferler sur le territoire là ou se trouvent les ventres de la race en place. La notion de territoire c’est comme la notion de race. Si toi tu n’y crois pas sache que tes ennemis eux, y croient. Ils savent ou ils vont eux. Et un beau jour tu te retrouves à devoir quitter ton pays... Amis entends-tu... Ressens-tu cette tension électrique des soirs de juin, ressens-tu la pression ?...
A Oberkampf Samedi dernier j’ai ressenti la pression. De sortie le soir avec des amis nous avons vu passer lentement ensemble un Porsche Cayenne, un BMW M5 et un Merco classe S derniers modèles les uns à la suite des autres dans la rue bondée de filles et garçons aux terrasses. Dedans les bagnoles c’étaient  des Noirs et Arabes de 20 ans peut être moins. Arrêtés au feu rouge ils ouvraient les portières, tripotaient leur téléphones, sortaient dire un truc à leurs potes dans l’autre voiture... C’était fou. C’était là. Je le dis comme c’était exactement. Je raconte pas de blabla moi. Je raconte ce que je vois.
Les sociologues-journalistes-éducateurs-ragoteurs des télés ne le voient pas tout ça. Ils ne sont pas à Oberkampf  le 14 Octobre 2008.  Ils ne sont pas non plus à Pigalle ce soir de Mai ou j’ai vu un Blanc maravé au sol par 15 Arabes et Noirs. Donc le réel ils ne le voient pas. Ou alors, et c’est peut être pire, ils le voient mais se détournent, haussent les épaules, disent vaguement comme ça « tain ça craint ici » comme j’ai vu faire, et le lendemain c’est oublié. A Paris en 2008 j’ai assisté à des pogroms effroyables certains soirs de sortie avec des collègues de bureau antiracistes forcenés. Ils ont vus comme moi, mais n’ont pas été choqués. C’est la démonstration que la réalité n’est pas objective. Que c’est une question de point de vue. Que tout à vocation à tourner combat, débat, argumentations interminables, incompréhension diviseuse, que tout est politique. Que les salauds s’en vont impunis. Que c’est FOUTU.
Amsterdam, Londres, Newcastle, Edimbourg, Frankfort, Munich, Nhatrang, Saïgon, Hongkong, Tokyo, Lisbonne, Zagreb, Alger, Casablanca, Pékin, Bangkok, Barcelone. De toutes ces villes où j’ai résidé plus d’une semaine Paris est sans hésitation la ville la plus dangereuse. La ville ou la violence est la plus évidente, palpable, extrêmement insidieuse et sournoise, articulée, consciencieusement innervée par des Gérard Noiriel en haut et leurs filles Blanches à Black en bas, tout un processus de destruction parfaitement légal et tranquille. Fin de la civilisation. Retour à la nature. La sélection naturelle a intérêt à ce qu’il y ait de violents combats au préalable. Lire « Le gène égoïste » de Richard Dawkins. A Paris se déroule la sélection fasciste des aryennes antiracistes.
4/  PONT DES ARTS
 Ça fait un mal de chien la sélection naturelle lorsqu’elle ne vous sélectionne pas. C’est dans la rue ou sur Facebook qu’elle est la sélection. « Anne is with her lover for the weekend », «Carolina is in a relationship », « Abigail is getting married », « Elaine and Paul are now friends »… Le temps avance. C’est pourquoi il faut avancer aussi. Parce que le combat, la lutte se joue là en ce moment, partout, tout le temps, inépuisable, insatiable… Parce qu’ on ne peut pas empêcher les gens de se mettre ensemble, que cela se fonde sur des démarches affirmatives, directes, spontanées évidentes… rien à voir avec les démarches « de résistance » tarabiscotées, lourdes, épuisantes, chronophages… On ne peut pas dédier sa vie à la vengeance, on ne peut pas nager à contre-courant du torrent de l’histoire. Le torrent de l’histoire il est là il passe sous le pont des arts, ses eaux glacées je les sens sur mes chairs rétractées, le monde en déploiement et moi en rabougrissement, le torrent de l’histoire sous la forme de ce groupe d’étudiants à Sciences-Po en piquenique, du temps qui est passé qui ne reviendra plus, sous la forme de ces deux meufs qui jouaient aux folles en smart juste avant au feu rouge avec Booba « numéro 10 dans ma team » à fond fenêtres ouvertes, sous la forme de cette jeune nana en tunique rayée bleu marine accoudée à la rambarde. Le torrent de l’histoire pas qu’en mot, là déployé, actualisé, bien réel.
La nana en tunique je la regarde une seconde en passant vite. C‘est la sur-femme de Paris. Race blanche, une silhouette toute en longueur soulignée par tunique et leggin, arrêtée en bas par des spartiates et en haut par une ligne de paupières et de sourcils très longue et très fine. Elle a les yeux clairs, les cheveux châtain clairs à la racine et blonds aux pointes. Elle se les est noués en chignon haut derrière le crâne et ça forme une adorable cerise sur le gâteau ses cheveux, une pomme de la tentation, une petite botte de foin bombée de santé comme ça au dessus de son crâne... Elle me rappelle cette Anglaise de Stoke-On-Trent. Un flirt de stage linguistique quand j’étais ado... Chelsea Hawthorne... Elle avait ce blond surnaturel, qui retombait en baldaquin de chaque côté de ses joues hautes, ça lui cachait comme ça une partie du visage. Ses cheveux ça lui faisait un voile à Chelsea l’aryenne, un drapé de pudeur...  Tout en nuances et chasteté c’était, sa beauté... Fallait s’approcher. Plus on s’approchait d’elle et plus elle était belle. C’était une de ces filles à laquelle on repense encore des années plus tard en regardant le plafond et en se demandant si on a vraiment réussi sa vie. Elle ressemblait à Naomi Watts.
Qu’une pareille fille te sourit et c’est la vie qui te sourit, qui se déploie pleine de santé en lèvres charnues bien roses sur fond blanc, c’est la vie parsemée ça et là de grains de beauté, c’est la vie qui s’ouvre à ton passage un soir de juillet sous les pommiers… C’est la vie incarnée en mille Chelsea Hawthorne raviveuses de flamme pour te rappeler sans cesse à l’éveil, au monde… Pour mettre du charbon dans ta fournaise. C’est être naturellement élu, choisi, sélectionné. C’est la sélection naturelle. C’est sentir la vie comme souffle, comme force vitale, un torrent irrésistible qu’on ne peut nier ni contredire. Pour en être de cette fête là il faut être beau. Quand tu es beau tu ramasses les filles les plus jolies, les plus coquettes les plus apaisées les plus caressantes les plus dociles les plus agréables à baiser... Que du bonheur.  Du easy flirt, du easy fuck tout dans la douceur dans l’aller simple vers la beauté.
 
Enfin merde. Je rêvasse à tout ça comme un rêvasseur imbécile, oubliant que j’ai 26 ans... Que c’est fini, que c’est parti au vent tout ça, l’innocence de Naomi Watts, la beauté sublime, la bouleversante, la vie dans la vie… Que c’est passé. Qu’à 26 ans déjà c’est plié. Qu’il faut se trouver un travail et s’y coller, et que tu n’as pas vocation à faire quoi que ce soit d’autre, et que c’est tout. Qu’il faut aller s’assigner 12 heures par jour à résidence dans un bureau... Au bureau, à mille années-lumière de Chelsea Hawthorne c’est la brutalité des « collègues », et de leurs faces épuisées déjà fanées en cheveux, en contrastes en couleurs. Quotidien bannissement du bassin d’Aphrodite, quotidien, exil. Et pendant ce temps dehors les Louis Garrel de Paris ils ne bossent pas, ils kiffent bite au vent déployée sûrs d’eux ils les baisent à l’aise, ils ne comprennent pas pourquoi il y a des guerres eux, ils trouvent que vivre ce n’est que du fun.
 


5/ PLACE DE L’OPERA
Voilà l’Opéra Garnier... Allez j’entre consulter le programme... Qu’est-ce qu’il y a de prévu cette saison ? Rien que des concerts pouraves et des opéras inconnus... Les ballets ? Que des trucs  modernes et sans lendemain. Plus de ballet classique. La Bayadère, La Sylphide, Giselle tout ça y a plus... Et puis le ballet c’est désespérant de toute manière. Le public autour de toi c’est désespérant… Les gens ne s’habillent pas, ils ne jouent pas le jeu. C’est des vieux rien que des vieux qui viennent passer le temps, des mal habillés des sans-maintien des relâchés, vraiment c’est affreux à regarder. En somme il n’y a de salut nulle part ? Tout mon beau monde dans la benne à ordure emmené en décharge ?
Et à l’Opéra Bastille alors y a quoi ? On annonce que « Aurélie Dupont danse Siddhârta ». Retour des aryennes à leur berceau de l’Hindus ? L’Opéra Bastille je le vois d’ici car je le connais bien... La place de la Bastille... Je vois sous l’affiche prometteuse les marches en promontoire dominant Blanches et Blacks qui déambulent sourcils froncés ton sur ton avec leur époque, dans leurs mains sponsorisées fondent lentement des Macflurry emportés du Macdo tout proche. Il n’y a pas de combat car pas d’ennemis, en effet de Macdo à SOS Racisme ils sont tous d’accord : anal interracial. La Bastille et son sens giratoire, la plaque tournante de la tectonique des peuples jetés les uns sur les autres dont les différences disparaissent, vidées en un siphon par la bonde d’évacuation de l’histoire, elles tourbillonnent les couleurs en spirale direction le vide comme c’est beau... C’est l’allégorie du Macflurry lorsque les races en un final soubresaut copulatoires s’éteignent, multicolores une dernière fois. Je me trisse par les grands boulevards.
Y a nulle part ou se défouler dans cette ville de merde, c’est ça qui tue. Pour bien faire il faudrait que fermer sa gueule, emprunter les gentils bus gratuits au colza de Ségolène, et payer ses repas à la cantine avec des chèques-jeunes qui permettent de bouffer 3 repas par jour suite au scandale d’une étude de l’INSEE qui montrait que les étudiants ne bouffent que 2 fois par jour faute d’argent.  Mais on s’en bat les couilles de ça ! C’est pas ça qu’on veut ! On veut se sentir vivants merde ! Les chèques-jeunes on s’en bat les couilles !
Que reste-t-il pour se défouler à Paris ? Y a bien que le Parc des Princes ou bien le dérouillage à la chance sur une racaille isolée, je vois que ça. C’est rare la racaille isolée. Encore plus rare la isolée qu’a pas de couteau dans la poche... Défoncer la racaille : voilà un geste humaniste. Souvenons-nous de cet extrait d’un morceau d’Iam sorti en 1997 « j’ai dû trouver un exutoire pour passer mes nerfs et un skin a morflé des coups de black et d’équerre »... Mais un racailleux c’est quoi d’autre qu’un skin non-blanc ? C’est tout pareil : crâne rasé, déplacement en bande, violence lâche, racisme, code vestimentaire et artistique spécifique... Un racailleux c’est un skinhead, c’est un agent de la haine raciale. Rien d’autre. Il faut opposer un authentique humanisme à cet authentique despotisme.
La lutte c’est la lutte contre les autres hommes et pour toutes les femmes. Si tu ne baises pas, si tu n’es pas aimé d’une femme aimée, alors Paris c’est quoi ? Paris c’est l’immobilité dans un petit espace entouré de gens prétentieux et mal élevés. Exactement le contraire de ce qui est raisonnablement souhaitable au solitaire à savoir évoluer dans de grands espaces avec des gens humbles et civilisés. J’aimerais bien être un Mormon bâtisseur de ville moi. Mais on ne peut pas découvrir deux fois l’Amérique. C’est bien la rencontre avec la féminité qui est la seule aventure restante. Etrange époque que la nôtre, ou les hommes cherchent l’amour.
J’ai plusieurs époques de retard. Ayant grandi à l’ombre de l’esprit français classique je croyais en gros  que « la Grèce recommencerait »... Qu’au lycée on aurait un mai 68 littéraire, une fougueuse élévation du niveau, qu’on rivaliserait d’esthétique avec les générations précédentes, qu’il se passerait quelque chose...  Il ne s’est rien passé. Ceux qui ont triomphés sont ces fils de riches à larges épaules qui faisaient du skateboard et étaient très bons en maths. Des bénis des dieux qui ont ensuite fait des ESC avec option finance cette discipline toute en rationalisations et abstractions dans laquelle la moindre information la moindre parcelle de vie est aussitôt convertie en graphique et en courbe. Lorsque l’élite d’un pays a pour vocation de s’en aller triturer des graphiques à Londres, que c’est ça le maximum de la réussite sociale, qu’est-ce d’autre que le triomphe du cynisme ? Que le triomphe des « eaux glacés du calcul égoïste » ? C’est notre époque. Bon. Je parle comme un looser.
 


6/ LE 10ème ARRONDIISSEMENT
 J’ai beaucoup marché. La longue flânerie m’a mené jusque dans des rues inconnues du 10ème arrondissement. Voici un parc, enfin un square, une sorte d’étendue bétonnée avec des bouts de verdure ça et là... mais complètement saturées de peuple !... Les pelouses sont en train de crever écrasées sous les culs nombreux des squatteurs affalés, des gens qui consomment du Paris, des gens venus chercher « un peu de calme à Paris » comme dans le titre de leur guide touristique frais et différent pour apprécier les délices cachés de la capitale. Mais il n’y a PAS de Paris-secret, de Paris-bon-plan. La moindre once de pureté ? Aussitôt la curée ! Lévi-Strauss a dit qu’il n’aimerait pas vivre dans le monde qui vient car il lui semble que l’humanité devenue trop nombreuse entre dans un processus d’auto-empoisonnement. En ce samedi 21 Octobre 2008 à 17h54 j’ai en contemplant ce square l’exacte illustration de cette idée d’empoisonnement. Le long des petits sentiers, les bosquets dissimulateurs de merdes dégagent une odeur insoutenable. Accaparant les bancs, des nuées de réfugiés en haillons de type Afghans-Turkmènes attendent une soupe populaire qui sera donnée à proximité. Il n’y a plus de frontières. Nous habitons sur le tracé d’une autoroute en construction. Le soleil se couche derrière un voile de crasse opaque. Nuage ? Pollution ? On ne sait. Il y a « débat ». Débat partout, pour tout, tout le temps. Débauche d’informations. On ne comprend plus rien. On ne comprend plus rien à rien... Un panneau là. « Square Villemin » c’est marqué. Bondé, irrespirable, confisqué le square Villemin. D’échappatoire nulle part. C’est une horreur, une horreur… Il doit y avoir un mensonge sur les recensements dans cette ville ce n’est pas possible. Paris ce n’est pas 10 millions d’habitants mais sûrement 15, sûrement 20 millions ! Au moins 20 millions d’egos énormes nourris à la télé aux shoppings aux magazines émancipateurs d’égoïsme, 20 millions de bouffe trois fois par jour et autant de torrents de pisse et de merde dévalant les tuyaux, irriguant ce marécage putride, 20 millions de pathos de désirs copulateurs d’énergies qui ne respire pas assez, 20 millions de populace disparate qui s’entasse dans ces boxes de porcherie nommés appartement, favelas instituées.
En revenant vers la place de la République je croise au passage-piéton une bande de jeunes beaux gosses hype tous en fringues superposés, avec des capuches, des cols en jean par-dessus un cuir, des Ray-Ban, des mèches de cheveux drus par-dessus les Ray-Ban... Un des types en s’engageant sur le passage est occupé à ouvrir son paquet de cigarette. Il tire la languette et jette le mince film plastique qui s’en va mourir par terre aussitôt. 200 ans ça met pour disparaître ces trucs, ce n’est pas biodégradable. A Paris on investit beaucoup sur soi et l’on se désinvestit de l’espace alentour, on s’y défausse. Ou qu’ils vont les beaux gosses hype ? Sûrement passer une bonne soirée à échanger des bonnes blagues, à flirter avec des nanas à leggin et vernis qui leur diront qu’ils sont beaux, qui leur confirmeront qu’ils sont bien vivants. Tard dans la nuit, étalés sur un canapé de bar-boîte ils se feront murmurer des confidences de petite nana à l’oreille en jouant au mec impassible qui « gère », au mec qui est moins amoureux. Ils auront le dessus dans la lutte. Ils iront au Cab, au Paris Paris, au Batofar, à la Flèche d’or, au Gibus, au machin... Ils iront respirer le « Paris rêvé ».
Moi j’irai pas. J’irai pas me faire câliner sous le menton par une petite reine approchant un frais minois lèvres rouges qui rient, découvrant dents blanches alignées… Embrasser, enlacer… J’irai moi jamais voir tout ça. J’irai à Villiers-sur-Marne sur la ligne du E. J’irai rendre visite à ma mère qui a déménagé. Le trajet je le connais bien. Métro République, jusqu’à Haussmann, puis attendre sur le quai du RER. Là dans le souterrain bondé il y aura une écrasante majorité de Noirs. Peu après dans le train on traversera un paysage urbain dévasté, et par la fenêtre les quelques basanés portant des sacs « ED » que l’on apercevra parfois se mouvant péniblement aux abords des barres d’immeuble couleur saumon de Noisy-le Sec constitueront autant de preuves de la vitalité de notre glorieuse république. Qu’ils y viennent vivre au milieu de ça les gens tolérants qui nous donnent des leçons sur l’accueil de l’autre. Le trajet n’en finira pas... Nogent-le-Perreux... Les Boullereaux... béton et bouillasse à perte de vue, nulle once de verdure... A la station Villiers sur Marne, nous descendrons et monterons à pied sur les hauteurs saturées, par la rue piétonne surpeuplée en ce jour de marché. S’amuser à compter les Blancs parmi la foule sera une vaine tentative : il n’y en aura pas un seul. A Villiers on trouve quelques maisons en pierre meulières, petits manoirs charmants. Comme ces îlots de terre dans certains torrents du Midi, qui hébergent parfois un arbre mort. Après la rue piétonne je longerai le trottoir qui fait face à la mairie. Le banc en bois sera vide mais témoignera d’une occupation récente par les nombreux crachas en arc-de cercle juste devant par terre. Dans les quarante à cinquante molards bien blancs bien bulleux. L’état des poubelles, l’état des trottoirs et la tronche des gens feront planer un sentiment de menace diffus et insidieux dans l’esprit du passant. Ce sera la réalité. Ma mère ouvrira la porte, le dîner sera prêt. Elle aura passé la journée à le préparer. Parce qu’elle est isolée ma mère, comme une femme divorcée de 53 ans. Elle est seule, stressée et stressante, coincée dans cent contradictions par une fierté stérile, avatar de la pensée individualiste-critique-féministe post soixante-huitarde elle même chiée des ultimes relents de 1789. Enseignante de lettres qui ne fait jamais grève, vote UMP et gagne à peine 2000 euros par mois elle est bel et bien isolée.  J’ai mal et honte rien qu’à imaginer sa solitude continue, ses insomnies, ses résignations à attendre sur le quai un RER retardé entre une publicité pour Danette et une autre pour le concert à Bercy d’un Afro-américain menaçant, ses samedis entier perdus à emmener une voiture pourrie au contrôle technique, se faire bousculer et insulter à la caisse du supermarché, rentrer seule avec des courses… Elle a rempli son 2 pièces misérable de quantités d’objets cache-misère : ici des souvenirs de voyages à une époque ou elle avait un meilleur niveau de vie, là une lampe qui ne marche pas, ici des robots de cuisine qui servent deux fois par an, et puis des centaines de livres… Elle n’a plus personne, ses deux parents sont morts depuis plusieurs années, ils sont enterrés dans un pays étranger, laid et hostile au fond d’une campagne introuvable tout au bout de la raison, aux confins de la civilisation. Un pays affreux qui à au moins le mérite de nous rappeler combien vivre en France est une grâce de D. Sur une table roulante dont un des pieds est cassé il y aura les magazines Paris MatchBien dans ma vie et Esprit femme. Au hasard avant de manger, je feuilletterai l’interview de Alice Taglioni dont la photo en couverture inclinant à croire qu’il subsiste de la blondeur en France sera augmentée de la citation « Je me livre avec plaisir à l’art de la sieste, c’est un remarquable moment de déconnexion totale », puis lirai des bribes du reportage « Mai 68 mon héritage », du dossier « Spécial rajeunir : 10 ans de moins », des pages « soirées people »… Arrivé tout au bout du capharnaüm de cette journée j’aurai alors plus nette que jamais l’image de la lutte qui est la mienne. Occupé à débroussailler ma voie dans la jungle je tranche les lianes et les joncs qui repoussent comme des têtes de l’Hydre. Je lutte contre le déclassement.

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