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mardi 18 août 2015

26.04.2010 - La soirée qu’il ne faut pas rater dure quatre minutes




La porte lambrisée s’ouvre et l’on pénètre tels des flèches alcoolisées dans l’antre, dans la « soirée qu’il ne faut pas rater»… Une semaine qu’on nous tanne dans tout Grenoble à propos de cette fête ou l’on est évidemment pas invités.
Mais nous voilà envers et contre tout sous trois mètres de plafond à moulures et sur deux cent mètres carrés de parquet ciré, à nous frayer passage dans la foule compacte de jeunes filles aux cheveux lisses et de fils à papa à larges épaules, des skaterisants des surferisants à baggys larges. Fin 2005 on a 22 ans on est complètement pétés au vin du vernissage précédent… C’est le sentiment d’invulnérabilité de la montée d’alcool alors que les enceintes du grand salon crachent les premières notes de « get yourself a loukoum »
Lecteur laisse le son tourner et suis moi de près. Dés que retentit l’espèce de flûtiau danseur de serpents Gyom me précédant agrippe une jolie nana au style paysanne-chic qui ressemble à Emmanuelle Béart et entreprend de danser un truc non-conventionnel. Manon des sources s’exécute avec un sourire gêné car  on voit qu’elle n’aime pas trop, cependant  ses copine la regardent alors elle se résoud à jouer celle qui s’éclate quand même un peu. C’est un rock endiablé, du Tisserand des Sables d’Olonne, n’importe quoi.
Cyril et Seb se ruent sur le bar et font main basse sur une bouteille de Rhum « Nestora » une variété réputée rustique et fortement tenace au crâne. Voilà qu’ils farfouillent piochent à pleine poignées dans les saladiers de chips, ce sera toujours ça de pris pour moins dépenser en kebab de nuit plus tard, autour d’eux ça chipote on les regarde horrifiés.
Craignant les embrouilles je jette un coup d’œil circulaire… Les fils à papa à larges épaules Volcom sont eux calmement à tchatcher des meufs de leur classe sociale, pas du tout influencés par le son ni l’alcool. D’ailleurs ils ne boivent pas ils fument tu comprends, et du shit « il est bon ce tamia ». Il y a aussi ces mecs qui aimeraient être parisiens, ces p’tits mecs efféminés avec les lunettes noires carrées de designers avant-gardiste autrichiens et d’autres encore dans le style diaphane pédé sidaïque à keffieh.  On est à Grenoble, Paris c’est loin Paris c’est le top du top pour eux, La Mecque qui diffuse des effluves de style. En te prosternant dans la bonne direction p’têtre bien que tu en capteras les relents. Question nanas c’est parsemé ça et là de quelques caucasiennes très florales, aux corolles admirablement épanouies. Et moi je bourdonne d’un vol mal assuré, pas question d’aller leur parler. Et enfin dans le coin près des fenêtres royales, derrière ses platines se tient le plus cool de tous, le drapé le Bokassa 1er de la coolitude en souliers ailés le deedjay tu comprends. Le deedjay qui mixe. Le deedjay qui écoute que d’une oreille dans le casque et qui fait semblant de gérer, de toucher à des boutons comme un sourcier de la zique. « mmh oui… attendez… je crois que le style se trouve par là suivez moi». Comme s’il avait une activité productive de zique, le sale imposteur parasite. J’ai toujours rêvé de bastonner un deedjay.
Je bigle un type sur un canap en train de rouler un joint. Allez je vais lui casser un peu les couilles… A peine trois pas dans sa direction qu’on me chope par le bras « hey mais Lounèèès t’es là ? » Merde c’est une meuf du lycée grosse et névrosée qui me kiffait à l’époque. J’attire beaucoup ce genre de meuf. Et les gayz aussi. Ca veut dire que je leur parais sensible donc fragile donc pas trop regardant sur l’apparence. Je gère la chieuse comme un tropézien chevronné « Hèèèè Joannie ça va ? C’est vraiment super que tu sois là ! » avec une tape sur l’épaule et aussitôt un mouvement latéral de 90°. 
Je tombe là sur Cyril dans les fumées qui se distingue tchatchant une nana à leggins, cependant il semble miser sur la technique dite du tribun sous deuspi,  approche qui consiste à accaparer complètement l’interlocutrice en plaçant le visage à 10 centimètres et à l’abreuver d’un flot de paroles au débit très rapide. Un plan drague qui marche à tous les coups tinkiète.
 WOUHOUHOU c’est le kiff les mecs ?? Que je braille à l’américaine en alpaguant finalement le rouleur de joint. Je le chope par le cou comme un pote mais très serré, limite prise de catch « Meeec ça fait PLAISIR d’être là et de croiser des boulées de tête de PUTE dans ton genre !! » il est tout mouligasse le bonhomme « eh mais c’est bon toi j’te connais pas d’accord ? » alors j’improvise « Si si mec tu t’rappelles pas ? A l’occupation de l’UPMF là les AG ? Le local autogéré tout ça ? » mais voilà que retentit une clameur sur ma gauche.
Me retourne. Là au centre du salon c’est Gyom courbé en avant comme au temple bouddhiste, le parquet sous lui éclaboussé d’une projection grise « avec morceaux ». Pourtant d’habitude il ne vomit jamais. Ca doit être son rock qui lui a fait tourné les alcools.  
Donc là on est dans la merde
Dix secondes plus tard c’est l’émeute. Gyom aurait répondu  à un mec en keffieh qui lui disait de nettoyer son vomi de fermer sa gueule espèce de sale *******. La rumeur se répand comme une traînée de poudre, je vois un acolyte du type à keffieh se tourner vers un groupe de filles théâtreuses grosses et dire « il a dit sale *******!»  COMMENT ?? s’exclame la plus grosse de toutes, et elle le répète à d’autres copines derrière qui écarquillent les yeux, qui le disent à d’autres encore alors le feu se propage, les flambeaux s’allument… Et tous les tisons se retournent contre nous ! « bon alors maintenant vous DEGAGEZ ! » qu’elle hurle bientôt la maîtresse de maison protégée par quinze chapons qui espèrent la niquer plus tard. Il se forme un train humain de wagons tous solidaires contre nous, une mécanique des fluides se met en place, on est poussés acculés dans le couloir et bousculés par ce compact remorqueur humain vers la sortie, comme une merde vers l’anus « ouvrez la porte ! » gueule un type, loquet qui clinque, sphincter qui s’ouvre, totale continuité du mouvement de poussée, une poussée sans pause ça y est on est sur le palier « plouf » dans la cuvette. Et la porte se referme rageuse « VLAAM ! »... Dans le soudain silence de mausolée nous sortons tous nos bites et pissons sur le paillasson à tour de rôle.

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