Midi,
déjeuner avec le Pélagien (voir précédemment), on se gave de
sandwichs au pâté tout en causant de Céline et de la notion de
mimétisme. On parle de « l’avenir » de l’Europe...
Il est question de champs de ruines. Je décide de creuser cette
hypothèse.
15
h, j’ai rendez-vous dans un centre de bilan de compétence. Il en
ressort ceci : « prédisposition à un travail créatif,
au sein d’un environnement structuré ». Moi j’aimerais
être pêcheur en haute mer par exemple. Un truc de fraternité
virile entre camarades qui remontent leurs filets, qui naviguent à
vue et qui reviennent à Ostende les cales chargées de trésors, et
qui font l’amour à des femmes en leur chuchotant des insanités
douces en langue étrangère... Je rêve peut être.
20h,
je retrouve la fille du baiser sous la porte. (voir Des
journées et des nuits).
Elle est stressée, elle a passé une mauvaise journée... Elle est
comme moi « à son âge ». Pareille exactement. On va
place Poelaert, à l’esplanade. On regarde le coucher de soleil sur
Bruxelles depuis ce promontoire. Elle s’assoit sur le rebord comme
les touristes au Trocadéro, pose sa tête sur mon épaule, referme
ses jambes derrière moi, on ne bouge plus... Le vent souffle, tiède.
On parle. Elle bosse dans « l’événementiel » et ça
l’ennuie énormément. Elle joue du piano et fait de la danse...
Elle a un look très BCBG. Les Tod’s et le scarf en seersucker...
Je lui fais la remarque. Elle est gênée. Elle est souvent gênée.
On va dîner. Je crois que je l’aime bien. Je la raccompagne. Je
veux monter... Je monte, elle me fait visiter. C’est tout grand et
tout haut de plafond chez elle, et bien rangé et classieux... Un
grand appartement dans le quartier du Sablon, le Saint-Germain, le
Passy de Bruxelles. Sa chambre est vaste, et blanche et cosy et
intime... Son lit est bas et spacieux... Et elle est là devant
moi, elle est déchaussée sur le parquet et arbore son sourire
timide... Je me la tirerais bien sur le lit, je vois bien ça... Lui
virer son jean, sa culotte, et la pénétrer en la regardant droit
dans les yeux... Il n’y aura rien de cela. On s’embrasse un peu,
elle me dit d’être patient. Je passe ma vie à être patient. Je
pourrais l’être tout à fait, patient, si elle me disait « on
va baiser tel
jour à telle
heure dans tel
endroit... »
là d’accord ce serait parfait... Elle me raccompagne en bas des
escaliers. Elle me plaît moralement et physiquement cette nana,
je me la taperais bien... Enfin... je ne sais pas, c’est le bazar.
Y a Anne. J’ai Anne dans la tête. Je l’ai au bout de la main,
par-dessus l’Atlantique. Je l’ai déjà dit. Bon sang... On
s’embrasse encore la fille et moi, elle me fait monter putain...
Elle est élégante, et jolie et passive, et bien élevée, je la
veux bien... Je l’embrasse encore, j’ai envie de l’entraîner,
qu’elle se laisse aller. Et pourtant je suis censé me barrer.
Mince quoi je veux rester et... je ne sais pas moi.
La
fille BCBG est jolie, timide et fragile. Elle a besoin d’être
guérie patiemment. Anne quant à elle, est jolie, gaie et fragile.
Anne c’est une guérisseuse qui s’ignore, elle fait le bien
autour d’elle, cela lui est naturel. Anne elle apaise, elle
répare... Lorsque j’étais avec elle tous mes soucis s’en
allaient. Lorsque j’étais « hungover »
le simple fait d’être auprès d’elle faisait disparaître tout
symptôme pénible. Ma Anne... Petite
reine de l’Aryanie iroquoise, ma sœur ma renaissance, ma Terre
Promise ma Nouvelle-France...
Faire
des enfants à une femme exceptionnelle. Se dévouer à elle. Etre un
bon mari et un bon père. Et travailler. Et écrire, et prendre des
photos, et raconter, et faire le bien aux alentours, « endiguer
le flot », voilà...
En
pensant à tout ça je descends un boulevard tournant. Un boulevard
en pente qui tourne, c’est ça. Je descends doucement avec « Johnny
Appleseed »
dans le mp3... Là bas en face une voiture arrive... Elle remonte le
boulevard... Voilà que ça klaxonne et s’agite... roulant dans ma
direction. Un drapeau à la fenêtre. Un immense drapeau... Un
tricolore ! Et un mec qui le tient... Ah mais y avait le match !
Le match de la France ! Contre l’Uruguay ! La voiture
arrive... C’est quel drapeau là ? La France a gagné ?
Cette équipe désunie, ce triomphe de racailleux déchaînés
racistes contre le breton Gourcuff... Cela a gagné ? Eh bien
oui... Le drapeau tricolore au vent là bas... Il a quelque chose en
son centre. Dans le blanc du tricolore... Un sigle ou un cœur... Le
« cœur
sacré de Jésus, espoir et salut de la France » ?
Des supporters cathos ? roycos ? Ici à Bruxelles ?
Non... Non ! La voiture passe à ma hauteur... C’est le
Mexique ! Le drapeau du Mexique ! La France jouait contre
le Mexique... Il a gagné le Mexique ! Bon sang... ça y est...
Joie ! Joie et justice ! Je lève les bras sur le
boulevard... Avec eux les Mexicains ! Pas mon genre
pourtant... Mais c’est ainsi que j’aime profondément mon pays.
Que cet agglomérat d’arrogants haineux autoproclamés « équipe
de France » remporte victoire, aurait été une insulte à la
France. Dans le wakos je remonte à fond « Johnny
Appelseed »...
What
the people are saying
And we know every road - go, go
What the people are saying
There ain't no berries on the trees
And we know every road - go, go
What the people are saying
There ain't no berries on the trees
Wouhouhou
et je lève les bras et je chante et dans le ciel étoilé j’envoie
des baisers qui s’envolent en voies lactées vers la France
et vers le monde : longue vie aux familles unies,
aux Nations belles...
La France la plus belle de toutes pour moi.
22h,
sur le trottoir voici des jeunes arrêtés là, qui discutent et
boivent des bières dans des verres en plastique. Des jeunes comme à
« La Perle » mais sans doute plus sympas et accessibles
parce qu’ici c’est pas Paris. Je parle à deux filles jolies...
Elles me disent qu’y a des concerts « à l’intérieur ».
Comment ça « à l’intérieur » ? Une pauvre porte
gardée par un vigile... Alors je rentre... « à
l’intérieur »... Et là... et là... Un incroyable
concert. Complètement invisible depuis la rue, pourtant à quatre
mètres derrière moi à ce moment précis. C’est un concert, un
« live » d’un artiste électro qui chante et joue de la
batterie en improvisant sur une instru. Il est très très fort et je
pèse mes mots. Voilà
ce qui s’appelle une « performance »...
Il s’appelle « Publicist » ce type... C’est un son
incroyable, un putain de missile, du Kavinsky en plus dense encore,
et en instruments de musique réels.
Une
fille me parle. J’entends rien. M’rapproche. On se cogne la
tête... Putain, je déteste ça... Elle me dit qu’elle est désolé,
me demande si elle peut passer parce que je suis trop grand et
qu’elle ne voit pas... Ouais ma belle, passe donc.
Après
trois morceaux je me trisse. Je veux toujours rester sur ma faim.
Comme ces Japonais qui adoptent un régime alimentaire consistant à
manger toujours à 80% de ses besoins... Se forcer à
l’insatisfaction. Parce qu’est c’est d’être repus qui nous
démolit. J’ai des conclusions péremptoires parfois...
Je
vais au sous-sol... Y a une photographe. Elle a deux 5D en
bandoulière et deux téléobjectifs incroyablement puissants montés
dessus... Je sais combien coûte cet équipement là. Presque le prix
d’une voiture neuve. Elle me dit qu’elle vit de cela, qu’elle
fait des photos pour la commission européenne, pour divers trucs...
Qu’elle est en free-lance.
Voilà
que se pointe la fille du concert, avec qui on s’est cogné la
tête. Je l’aborde, lui paie un verre. Je veux pas la draguer,
juste lui parler... Mais elle est jolie. Et allemande, tiens. De la
Basse Saxe, d’un bled au sud d’Hanovre. J’ai vu plusieurs
allemands ces derniers temps. Il me semble qu’ils sont assez
raffinés ces gens. Déjà leurs visages sont raffinés, leurs
traits, leurs couleurs d’yeux et de cheveux... Et puis ils sont
raffinés d’une façon cachée. C’est dans leur mode de vie.
Cette fille là s’appelle « Margaret » si j’ai bien
compris. Et c’est très curieux : ses yeux sont marrons très
très clairs, presque beiges, et ses cheveux exactement de la même
couleur. Sur sa peau blanche ça donne un incroyable effet « noisette
et crème » comme un gentil tourbillon dans un pot de crème
dessert... Je me la taperais bien cette petite quand même... Elle
est belle. Mais je ne le sens pas. J’abrège moi-même... C’est
la technique des 80%...
Y
a d’autres filles à qui je parlerais bien, surtout une brune
longiligne en leggin et sandales, le genre de fille qui me fait
obliquer le regard 4 fois sur 5 quand j’en croise une dans la rue.
Allez je me casse...
Je
remets le wakos, direction le centre-ville et à pied. En poussant à
font « Fools Gold » de Stone Roses dans les écouteurs je
rêvasse, je me dis que je peux conquérir le monde... Mais qu’il
faut faire gaffe. Qu’il faut être « maître Jedi »,
pas « Sith », et agir en conséquence.
Quelques
kilomètres et refrains plus tard voilà le centre-ville... Le bar ou
je veux aller... Bon sang qu’est-ce que les filles sont belles...
Faut faire passer des décret-loi pour que ça cesse, ‘vous le dis
moi... Je commande en me serrant au comptoir une bière entre un type
qui ne paie pas de mine, et une jeune anglo-saxonne sublime,
absolument sublime... Elle a l’air de bien aimer le type
d’ailleurs. C’est très bien comme cela. Je ressors... C’est
blindé d’anglo-saxons... Qu’est ce qu’ils foutent là ?
Bon. M’assois sur une chaise à côté de deux types que
j’identifie comme racailles. Un Blanc et un Arabe. Je vois le Blanc
dire un truc à l’Arabe en me regardant... Je ne suis pas sûr mais
je crois qu’il parle de ma veste. Une Ralph Lauren bleue nuit avec
des parements jaune, elle fait racaille mais « racaille chic »,
mon genre. Mon style c’est RBCBG, racaille bon chic bon genre. Je
fais parler les deux types... L’Arabe notamment a un incroyable
accent de racaille, on dirait qu’il dévisse exprès sur chaque mot
pour forcer sur les « r », pour tourner les « toi »
en « twâh »...
ça doit lui donner un mal de chien... Le téléphone sonne. C’est
pour moi. C’est un pote qui me dit qu’on se retrouve dans 30
minutes. Je me trisse. Au revoir au deux gars, je me trisse.
Dans
les rues pavées dans les rues sombres, on croise encore de
nombreuses nanas à cette heure. Je marche au hasard, jusqu’à un
lieu très bien tenu, très propre... Avec un immense, immense
escalator ascendant qui mène... on sait ou. Deux cerbères aryens
gardent la porte. Ce sont des flamands... Leur accent... ils me
disent que c’est un casino ici. Je peux rentrer ? Mais oui
qu’ils disent ! Très courtois. La mentalité nordique. Très
costaude et très courtoise.... Voilà ce que je pense dans
l’escalator. Ça monte, qu’est-ce que ça monte... J’arrive en
haut. C’est calme, c’est propre. Comme les hôtels du quartier de
Admiralty à Hong Kong. Dans les étages supérieures vous dominez le
monde qui s’étale, silencieux et affairé et lumineux à vos
pieds... Faut laisser sa veste au vestiaire. Je la laisse. Je fais
une réflexion à la jeune femme du vestiaire pour la faire rire.
Elle rit, c’était un compliment. On se regarde, il y a un petit
moment en suspens, on s’attire un peu... J’aime ça. Je la
galocherais bien. J’ai envie de plaire à toutes les femmes de la
Terre en ce moment. Avant le mariage tous mes rapports avec toutes
les femmes seront ambigus, voilà... Idem avec cette femme de la
caisse qui photocopie mon passeport... Le surtamponné... Et qui me
prend en photo avec une boule ronde marquée « Carl Zeiss »
et qui me demande mon adresse... Je lui dis. Je lui demande si elle
veut mon numéro. Elle rit. Je suis d’humeur calme et disponible,
et c’est bon... Et le monde alentour m’est tout ouvert. Je rentre
dans le casino, ça y est. Aux tables de jeu sont des gens de tous
âges, des asiatiques assez nombreux... Point d’horloge ici, ni de
fenêtres dans cette salle immense. Ainsi l’on ne sait ni ou nous
sommes, ni quelle heure il est. Et l’on joue. Moi pas. Me suis
toujours méfié des jeux de hasard, et de tas d’autres trucs « de
hasard ». Des drogues notamment.
M’installe
au comptoir. A côté de deux Arabes. Ils sont cools, on parle. Un
des deux mecs m’explique sa méthode pour les casinos. Il vient
avec 20 euros. Il les joue. S’il les perd, il arrête. S’il
gagne, il s’autorise à gagner jusqu’à 100 euros maximum puis il
part. Et ça marche assez bien dit-il. Ensuite il évoque ces gens
pauvres qui « jouent leur salaire au casino »... Il
existe ainsi une liste rouge dans laquelle on peut décider de se
faire soi-même enregistrer afin de décrocher du jeu, car cette
liste vous bannit instantanément de tous les casinos de Belgique. Je
leur parle de Hong Kong. Des casinos de Macao juste à proximité là
bas... De ce que c’était. A l’époque ou j’y résidais, le
« Venetian » allait juste ouvrir. Un projet pharaonique
destiné à capter tous les joueurs friqués sur un rayon de 5 heures
d’avion alentours... Cela permet de toucher notamment les
principales villes chinoises, et indiennes, et les cités-Etat
(Taïwan, Singapour, Hong Kong etc...). Je bossais chez Nestlé moi,
à Hong Kong. Et on avait vendu au « Venetian » plus de
deux cent machines à café Nespresso d’un seul coup.
Les
Arabes se tirent, je parle un peu avec les serveurs et les barmen.
Ils sont tous arabes. Une serveuse est jolie. Excitante disons. Le
genre brune soignée, qui donne envie de baiser. Et puis une dame du
casino (elle a l’uniforme), se dirige vers une porte intitulée
« salle des caisses »... Mince je la connais elle !
C’est une femme rencontrée dans un pub la semaine passée. Le
monde est petit, qu’on se dit... Elle s’en va « compter de
l’argent »... Les barmen et serveuses qui m’ont vus
alpaguer la femme se mettent à rigoler... Ils chambrent un peu. Mais
les gars je la draguais pas du tout ! Et c’est vrai. Ils se
moquent parce qu’elle est vieille, et a des rides au visage. Ce
doit être un truc terrible pour une femme ça, la vieillesse
physique, la peur de ne plus plaire... C’est peut être pour cela
qu’elles sont si souvent très salopes jusqu’à 45 ans environ...
Peut être qu’elles ramassent pour oxygéner leurs vieux jours...
Je
me barre. La porte marquée « sortie » il faut la trouver
ici... Enfoirés de casino incitateurs... Dans la rue je suis pommé.
Je cherche le bar où retrouver mes potes. Deux types sont en train
de discuter, je hèle celui qui me tourne le dos. Ils parlent en
kurde les deux types je crois... Le type de dos se retourne... Putain
de putain. Il est dégommé, dégommé... Le pauvre... Il s’est
fait absolument dégommé la tronche. Son visage est couvert de bleus
du menton au front. Il a plein de dents pétées quand il parle, et
sur tout son être on ne voit que ça : des blessures. Il a du
se faire rouster à terre par plusieurs types... Il m’indique la
direction. J’y vais. C’est pas là. Je redemande, à une fille
jolie. Elle m’indique. C’est bon. J’entre dans le plus mythique
bar de Bruxelles. Ce n’est pas de la connerie. Il est 2 heures du
matin, la soirée débute à peine mais je l’ignore encore.
A
suivre
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