RÉCIT — ARTICLE ÉCRIT
PAR LOUNÈS LE 7 JANVIER 2013 À 23 H 10 MIN
S’il fallait décrire rapidement
l’ambiance de cette époque et de ce lieu je proposerais cette
vidéo. Elle n’a pourtant rien à voir : il s’agit des émeutes
de Vancouver en 2011 lorsque les fans de l’équipe de hockey locale
déçus d’une défaite en finale face à Boston s’en sont pris
non pas aux fans de Boston traînant dans les rues mais au mobilier
de leur propre ville, détruisant des véhicules et pillant les
magasins.
Grenoble c’était exactement comme ça
les soirs de fête. Or il y avait des fêtes tout le temps: les soirs
de fête de la musique, de Beaujolais nouveau, de manifestations, de
nouvel an, de fin d’année scolaire, de fête de fin des examens,
de brocante, de retour du printemps, les soirs de concert en plein
air… A toute occasion c’était ces rues noires de monde avec des
gens qui se battent puis qui courent pour leur vie là-bas dans les
grappes nimbées de rayons de soleil rasants, cet inamovible fond
sonore de tam-tam (ça s’appelle du « djembé », Chocapic « joue
» du djembé) on a entendu du tam-tam toute notre jeunesse, des
happenings de gallo-romaines complètement magnifiques avec des
museaux allongés et des tenues impossibles, des vieux moisis
populaires à barbe mêlés aux jeunes on ne sait pourquoi, des
cohortes de fils de riches habillés en skater et en « big bang
squad », la petite avant-garde du graffiti (« tain là-bas c’est
Sonick du VSK il a peint 100 trains l’année de son bac t’imagines
100 trains ») et les zikosses de 40 ans à bouc et barbiche et
casquettes de Marine che Guevarra qui pontifiaient en roulant des
cigarettes roulées, et nous on avait 17 ans on prenait ça en pleine
tronche lorsqu’on quittait nos parents divorcés le soir pour aller
mater un film chez un ami soi disant tu parles : on allait voir la
vie pleine de promesses dont on aurait sûrement une part, les
vapeurs de 8-6 et d’Amsterdam Maximator, les fumées de shit très
boisés (« tain il est bon ce tamia », nez bouché de celui qui
recrache la fumée), les zoulettes bénies de toutes les grâces avec
des mouvements qui exprimaient l’au-delà, le sous-sol de la gare à
l’époque ou il était ouvert au public et qu’il y avait des
battles de break qui duraient des aprèmes entières… C’était
nul et pourtant ça vrombissait de vie vivante tout ça, à t’en
remplir toutes les voiles jusqu’à la fin de tes jours.
C’était ce mélange, cette
coïncidence, cette conjonction de plusieurs évènements très
intenses tressés ensemble et il fallait danser sur cette corde, sur
ce fil d’Ariane qui devait ne jamais s’interrompre. Comment après
ça tu voulais t’intéresser aux études et à cette légende
débile qui disait qu’il faudrait bientôt choisir une voie, « se
construire un avenir » se faire chier dans un travail écrit avec
des chiffres et pas de bruit, dans les déglutitions du voisin. Mais
c’était le combat de la vie contre la mort tu comprends. C’était
de cet ordre là.
Le niveau de vie, l’intensité de vie
qui t’était proposée était tout simplement pas refusable.
Aujourd’hui? Aujourd’hui c’est
tellement calme.
Mais
dikave le sourire qu’elle fait, comme elle a l’air heureuse…
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