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mardi 18 août 2015

24/04/10 - Grands moments #3



Ca se passe à Grenoble dans les rues piétonnes du centre-ville le soir d’Halloween de l’année 2001. Cyril et moi-même finissons chacun nos cinquièmes 8-6 sur les marches de « France-loisirs », dont l’horloge indique trois heures du matin. On bigle un sac rose grand format du magasin « Jennyfer » traînant par terre. On le ramasse, on le remplit d’eau dans la fontaine. Bon sang voilà qu’il pèse une tonne… Nous avons un plan. Ah c’que nous allons rire ! On prend le sac chacun par une anse et l’on fonce ouvrir une allée d’immeuble avec la clé de facteur. On prend garde à ne point renverser d’eau. On monte les escaliers doucement jusqu’au deuxième étage. On ouvre la fenêtre qui donne sur la rue. On attend. Quelques badauds rentrent chez eux. Mais on veut des racailles nous ! On attend. Au bout d’un moment un groupe au loin. Des racailles ! C’est bon allez allez en position ! surtout ne pas faire de bruit. On hisse le sac… sans bruit… ils se rapprochent les racailles… On est prêts… attention… maintenant allez! on renverse le sac cul-par-dessus-tête et trente litres d’eau se déversent en contrebas, SPLOFF !… Ils hurlent. On passe la tête pour voir. Y sont trempés comme au Parc Astérix. La gueule, la veste le futale, tout… Y sont quatre. Ils tapent dans la porte très fort BAM-BAM-BAM à la moudjahdin pogromeur« aya ta grand-mère twâ tu vas vwâr ! » ils tambourinent énormément… La porte pourvu qu’elle tienne… Oh putain qu’est-ce qu’on se marre ! Cyril je m’accroche à lui tellement je ris… Ils sont là en bas ! Et nous en-haut ! Les sales putain de racailles on leur hurle toutes nos cochonneries rentrées depuis toutes ces années on leur balance tout on leur fait la totale on gueule plus fort qu’eux nos voix couvrent les leurs… ils sont là en bas tout fielleux et souillés tout maudissants bras levés, promettant de nous niquer, toujours des promesses sale racailleux attends je te crache dessus rrrt pfuuuhça te va comme ça ? Sale enkulé d’ton père va… Sur la pointe des pieds Cyril sort sa bite par-dessus le perron il va uriner sur eux… En bas ils s’écartent paniqués… Ils vont goûter toute la variété, la di-ver-si-té de nos secrétions ce soir c’est dégustation… Oh putain on a peur mais qu’est-ce qu’on rigole…
 
Un soir, l’année 2005 au bar-PMU « Central Park Café » nous entamons la discussion avec un vieux monsieur au comptoir. On ne l’a jamais vu ici. Il nous dit qu’il est médecin, qu’il est désormais en retraite, qu’il a vu bien des choses dans sa carrière et des vertes et des pas mûres… Ah oui monsieur… Il a des façons surannées,  saupoudrant ses phrases de « n’est-ce pas » et de « par conséquent ». Et puis il s’engage sur une anecdote une légende urbaine, une histoire de types détraqués  présents à Grenoble dans les années 70 apparemment, des types qui s’amusaient le matin à déposer n’est-ce pas, des bouts de pain rassis dans les toilettes publiques pour venir les récupérer le soir imbibés d’urine et ainsi les râcler pour enfin les déguster… Les « soupeurs » que ça s’appellerait cette affaire. Alors nous on est ébahis, on le contredit on s’étonne énormément… Mais lui tient dur comme fer à son histoire « Ah mais j’vous l’assure hein les soupeurs… les SOUPEURS… » il répète comme ça le mot et puis voilà qu’un autre retraité à côté confirme « ah si si les soupeurs ! oui les SOUPEURS ! » et puis encore un autre renchérit, bientôt dans tout le bar on se passe le mot il n’y en a plus que pour les soupeurs… Bah ça alors. Des années plus tard je tomberai sur cette phrase dans Mort à Crédit, bouquin sorti en 1936 mais dont le récit se passe en 1900-1910 : « Y avait les lopailles trop vertes pour aller déjà au Bois… une même qui revenait tous les jours, son truc c’était les pissotières et surtout les croûtes de pain qui trempent dans les grilles… Il racontait ses aventures… Il connaissait un vieux qu’était amateur passionné, un charcutier rue des Archives… Ils allaient dévorer ensemble… » Ah bah merde ! C’était corroboré ! De tout temps ça existait cette perversion là… Et puis en me souvenant dans mon enfance à moi il me semblait bien avoir vu souvent des quignons de pain dans les vespasiennes… Je me demandais vaguement ce que ça foutait là… Je veux en avoir le cœur net alors je fais des recherches avec « soupeur » sur internet et je tombe sur ça et les paroles sont . C’est la preuve irréfutable.
 
Eté 2006, une île du Golfe de Thaïlande. La partie la plus au sud de l’île, à laquelle on accède à pied ou en 4×4 uniquement tellement les pentes sont abruptes et défoncées. Il est 22 heures et l’on dîne sur une terrasse en bois à flanc de falaise, un promontoire au-dessus du vide. Dans le bol à un euro c’est tout parfum mêlé d’épices de coco et citronnelle, le soleil rougeoie là bas en fin de course, la lumière frappe la colline aux palmiers calmes, carte postale du bout du monde, « mille baisers » scintillent en reflets sur la mer. Nos baguettes maniées avec dextérité vont et viennent machinalement à la bouche, on contemple et savoure. Le paysage on le mange on le goûte par les cinq sens. Nous n’avons jamais vu ça. Nous sommes à Ko Tao.
 
Paris, samedi 10 Avril  2010 à 6 heure du matin. Au passage-piéton trois racailles nous précèdent et l’un lâche une insulte à la volée. Qu’est-ce qu’on fait ? Ils sont trois, moins grands que moi mais plus que Gyom. Allez on y va. Ce n’est pas très malin, mais on est chauds et bien mûrs d’une tournée de bars. Paris-Beaubourg, un petit 2 contre 3 s’engage. A mon instigation car je vois rouge lorsque les répétées dénégations de l’insulteur à qui l’on demande des comptes tournent au mensonge évident. Il nous prend pour des cons le jacteur. Je pense à Grenoble, aux racailleux là bas qui mettaient la misère aux Caucasiens et qui se dépêtraient avec fourberie lorsqu’ils se faisaient prendre. Celui là essaie de se défiler et ça met le feu aux poudres de mon bras gauche. Alors les salves fusent du canon de bâbord, poings traçants qui cherchent la tête dans la nuit, crochets contourneurs de son pote qui s’interpose et me griffe à la joue. 4 coups au but en hurlant des choses les font déguerpir. Gyom me tire par le bras et l’on se garrave par les rues perpendiculaires. Vent froid sur les joues, on ne dit mot, c’est le silence des essoufflés dans la nuit glacée. Enfin l’on s’arrête épuisés les mains sur les genoux on halète, et Gyom les yeux dans le vague droit devant lui dit seulement « Mec c’était dingue… tout en le cognant tu répétais « Tu vas pas me la faire ! Tu vas pas me la faire ! j’m’appelle Lounès Darbois-Beaumont ! j’m’appelle Lounès Darbois-Beaumont ! » comme ça… Pourquoi tu gueulais ça mec? C’est qui ce Lounès ? »

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