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mardi 11 août 2015

23.04.2009 - Le virage Boulogne.

Le virage Boulogne.
23.04.2009

C’est simple tu rentres dans ce truc comme dans un navire-amiral qui aurait déjà livré bataille contre trente Nelson bien avant que tu sois né. Tu sens que ce truc, le Parc des Princes il en a connu des gueulantes de quarante-cinq mille bonhommes qui crient le même couplet en même temps, il en a connu des bagarres, des gaz lacrymo, des moments de tension à faire fondre de chaleur les sièges en ferraille, des concerts de Johnny, des autocollants « France, Le Pen, Li-ber-té ! », des drapeaux Boulogne Boys et des tisons enflammés. On sent que c’est vieux, on sent que y a un passé de mille grands soirs déjà.
 
Autour, debout devant leurs sièges, accrochés comme toi à flanc de colline y a des milliers de jeune Caucasiens mais pas des faiblards comme aux infos, des « normaux » quoi. Des qui te feraient dire si t’étaient pas Blanc que les Blancs c’est pas tous des baltringues en fait, merde. Bon, et ça fume des joints de partout, ça empeste. Impossible de rentrer avec une bouteille de bière par contre tu peux fumer du shit tant que tu veux là dedans.
Et puis le match commence ça se met à chanter en même temps, ils connaissent des tas de chansons les types. Dans les chansons y a beaucoup le mot « Paris » qui revient. Là tu en prends pour ton grade du « Paris ». Et Paris-Paris-Paris et allez-Paris-allez-Paris et Paris St Germain ceci, et Paris St Germain cela… Ensuite y a une sorte de pogo ou tu attrapes tes voisins par les épaules et tu saute à pied joint d’un bord à l’autre du gradin. Ensuite éventuellement il y a un but pour Paris et là c’est comme si tout le stade était une seule et même personne parcourue d’un vomissement salvateur qu’on sent bien passer de l’estomac au menton « ouuuuuèèèèèèèèèèè » multiplié par 45000 types et moi y compris même si je m’en fous du match quelque part, c’est les jeux du cirque c’est le défouloir malsain, et merde à Jean-Luc Godard. C’est alors que venu de derrière, de plus haut dans les gradins, voilà des myriades de types qui déboulent, dégoulinent comme une vague de lâcher de barrage, te voilà entraîné aussi sur les autres devant en bas, toujours plus loin devant, en bas, et heureusement il y une loi physique, peut être une poussée d’Archimède, qui fait que personne ne tombe. Une fois par mi-temps y a un moment ou le virage Auteuil, celui  des blakblanbeurs et le virage  Boulogne en face, celui des Caucasiens, se répondent en mode c’est à bâbord c’est à tribord. Allez Paris, Boulogne est magique, allez paris, allez boulogne allez PSG. A raconter c’est nul ça fait sous-fifre enrôlé, mais à vivre c’est pas mal du tout.
Et ensuite « on » gagne on leur met 3-0 à ces bâtards avant la mi temps ou y a des ambiances de hot dogs au ketchup emballés dans des serviettes en papier (une feuille monsieur) sur fond de musique qui dit « in har-mony » et de publicité pour Cathay Pacific sur écran géant. Moi d’un regard j’embrasse tout le stade qui fait la pause et je me dis que putain si j’avais connu tel défouloir à 17 ans… Mais on est pas sérieux quand on a 17 ans. Et pour moi, pour toujours il n’y aura qu’un pas entre Rimbaud et le mode hooligan, entre l’Opéra Garnier et le Parc des Princes, entre Giselle et PSG, entre la France et la Kabylie. Ces deux aspects sont ensemble, pas séparés, parce que ces deux aspects c’est moi.
Et puis la 2ème partie reprend pareil après l’entracte et au coup de sifflet final le speaker gueule dans son micro que on a gagné et que ici c’est Paris ! ici c’est Paris ! ici c’est Paris ! Et je me prends à rêver d’ambiances de racailles caucasiens en mission à Aulnay-sous-Bois comme dans Bumfight, à choper des CPF les ligoter les enculer et gueuler sous les fenêtres ici c’est la France ! ici c’est la France ! ici c’est la France !

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