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samedi 15 août 2015

20.01.2010 - Fêtes de fin d'année


Fêtes de fin d'année
Au bureau j'ai reçu un e-mail avec ça:
Position
Name
Country/Office
Billing
1
HARTMANN Stöjg
South Africa/CAPE TOWN
£911 257
2
SCHTADTHAUSER Mathilda
Germany/DUSSELDORF
£644 586
3
HARRALDSSON Inge
Sweden/STOCKHOLM
£574 511
4
WALTON Alistair
England/STOKE-ON-TRENT
£572 282
58
JAUMIN Vincent
France/PARIS
£181 965
59
DARBOIS-BEAUMONT Lounès
Belgium/BRUSSELS
£177 453

C’est les noms céfrans qui rapportent le moins de thune faut croire. C’est officiel je suis le dernier des « meilleurs ». Comme me dira un ami au téléphone je suis le « moins kiffant des plus kiffés ».
Quand ils ont réalisés le truc les autres de mon bureau, mes « collègues », ils m’ont regardés bizarre… Surtout Fawzi et Boukrah ils l’avaient mauvaise, ils plaçaient des petites piques « moi j’irai un jour à Vegas si je l’ai mérité » qu’elle a dit Boukrah pincée.
Ainsi pendant quatre jours on va tout nous payer, on va nous lustrer, nous combler absolument. ''On'' c'est à dire le Directeur de l'entreprise pour laquelle je travaille, le « CEO ». Il nous emmène à Las Vegas tous frais payés, avion-hôtel-restau, absolument tout jusqu'au moindre verre, la moindre fantaisie, nous serons entièrement défrayé c'est promis, nous les 59 employés sur environ 2000 de par le monde, ceux qui ont rapportés le plus de thune à leur bureau pendant les 12 derniers mois. D’habitude je ne gagne jamais à ce genre de truc.
Modeste hère repêché par un yacht de riches je suis plutôt en 2ème division par rapport à ces Hartmann ces Walton ces machins … Ces gens là ont comme moi  dans les 27 ans mais eux sont habitués à la thune et aux récompenses.  Grâce aux montagnes de fric qu’ils rapportent depuis des années à la boîte et aux commissions qu’ils touchent, ils habitent dans des maisons et roulent en voiture allemande, y a même un Croate qui s’est acheté un bateau, on avait eu la photo sur l’Intranet. Je ne connais encore aucun de ces types. Sûr que c’est des gros enculés. Il n’est pas possible de réussir au sein de cette boîte si tu n’es pas un gros enculé.
On fait connaissance dans un 747 de Virgin Atlantic qui nous emmène à Las Vegas depuis Londres ou l’on a fait une escale préalable pour tous se retrouver. On se serre la main autour d’un verre. Les types sont déjà déchaînés, empressés pour l’alcool, ils sortent leurs cartes de crédits, ils veulent payer eux-mêmes, ca tourne au défi… Et a grand renfort de Visa Infinite et Amex Black tenue entre deux doigts ''nan laisse c'est bon c'est pour moi…''. Toutes les bouteilles de Veuve Cliquot de l’avion  y passent. Puis celles de Gin. Puis de Whisky. Puis vodka, rhum, bière… ça pille toutes les réserves, ça paie tout, ça gueule dans l’avion en allemand en céfran en flamand en chinois, toutes les langues de Babel, personne ne peut dormir c’est un effroyable scandale… Lorsqu’on arrive au-dessus du Groenland, l’avion n’a plus une goutte d’alcool à vendre… Ding ça tinte…Sonnerie pour avertir des turbulences… La superbe très aryenne hôtesse Heather (c’est écrit sur son badge) tout en yeux verts et vénitienne blondeur me dit qu’il faut regagner ma place… Je suis un peu bourré et elle apparaît comme une égérie du quattrocento, j’ai pas vue une fille comme ça depuis le lycée. Elle rit, elle est admirable cette Heather, je la regarde lorsqu’elle s’occupe passionnément des autres passagers, s’approchant très près lorsqu’elle n’a pas entendu s’ils désirent du thé ou du café… Elle est tellement au-dessus du lot, blanche colombe intouchable même par les haleines pourries des passagers qui ont des heures de sieste de gros porc dans les pattes, quel admirable îlot de beauté elle fait dans un monde de laideur… Il en restera des comme ça dans 30 ans de métissage infâme ? Et dans cent ans ? Ou va le monde ? Hein ? D’après mes calculs je sombre dans le sommeil à peu près au-dessus de Fargo, la ville du film éponyme.
On arrive à Las Vegas complètement déphasés, ou est le jour, ou est la nuit ? 14h00 heure locale. Des limousines nous emmènent au Casino-hôtel « Encore Wynn ». On traverse un long boulevard… par la fenêtre on ne sait plus ou s’extasier davantage sur les vanités terrestres étalées là devant nous : des châteaux, des Paris, des Venise tout reconstitués, des îles de pirates, des cirques des temples romains, des écrans de 20 mètres sur 20 des lumières, des tours, des machins… Mpff ‘vais vomir moi… C’est le rhum « Negrita » qu’est pas passé… le Negrita… rien que de penser au nom m’sens pas bien…
On nous débarque à l’hôtel… C’est un palace invraisemblable, tout moderne tout luxueux tout décoré, y a des papillons en dessin sur la moquette, des lustres des moulures, des 15 mètres de plafond, des machines à sous tout partout qui font des bruits féériques pour t’attirer à jouer, des tables de poker, de black jack, des tas de bars extrêmement fournis en alcools et tout en haut, qui sortent par des conduits d’aérations des diffuseurs d’oxygène pour que tu restes éveillé, que tu gardes la pêche et dépense tout plein ton fric… Check-in… La chambre qu’on m’a réservé est au 51ème  étage…

A partir de ce moment les souvenirs commencent à devenir un peu flou, l’alcool et la fatigue ne faisant que monter et se maintenir pendant tout le reste du séjour. Cela dit nous nous souvenons :
> Avoir pris une douche et s’être dirigé vers un bar du rez-de-chaussée. Là je retrouve Joséphine une nana d’un bureau de France que je connaissais à Paris. Elle est d’origine libanaise chrétienne, est trop bonne et a cette alchimie de volonté et de sensibilité que j’aime chez les gens, trois éléments qui me la rendent fort sympathique. Cette nana c’est ma « sœur ». Le CEO est là et c’est lui qui paie, on s’accoude au bar et on enquille des tas d’alcools « all expenses paid ». On est bourrés, on éclate de rire, on est des privilégiés, y a des papillons partout c’est l’emblème du casino, ça clignote, ça sort des tas de dollars pour payer, rien à foutre c’est pas ma thune c’est celle d’un millionnaire en livres sterling. Y a des tas de types de l’entreprise de partout maintenant, ça virevolte autour des chaises hautes du bar… C’est le triomphe des rustres… Ca y est c’est Las Vegas. Y a un « move » vers une boîte. Faut tous qu’on aille au « Tao » dans un autre casino plus loin, c’est réservé pour nous… Bien. Avec Joséphine on traverse une galerie commerçante jalonnée de Dior et de Breitling, on s’esclaffe pour rien, on jubile on « délire » comme des collégiens sous shit… il est minuit heure locale, les autres prennent des taxis mais nous on ne connait pas l’adresse… On réquisitionne un tacot « Suivez cette voiture » qu’on gueule, faut pas perdre les autres de vue… Le chauffeur est un WASP, il nous déteste en deux secondes, dit un truc sur les Français, on est déjà arrivés… L’aurait fallu pouvoir davantage causer avec lui, échanger, lui expliquer tout Montcalm et tout Céline, le convaincre énormément… Pas le temps on paie au revoir. On arrive au « Tao » la boîte ou la gouape Tiger Woods s’est fait chopé pour adultère, c’était marqué dans un journal au casino. On nous installe dans une sorte de salon en hauteur ou tous les alcools sont à volonté… Sur une table il y a un stock de 15 bouteilles différentes renouvelé en permanence… Ca fait 12 heures que je suis à las Vegas, j’ai encore pas dépensé un centime et compte bien continuer sur cette lancée… Alcool… Nanas avec des gros seins… Trou noir… Je me revois par bribes plus tard quitter les lieux, me perdre dans des escaliers de secours, descendre des tas d’étages, valdinguer dans des parkings, des cuisines, des arrières salles, un labyrinthe un dédale interminable de marches, de salles, de salles de stockage, tout l’envers du décor, les coulisses blafardes du casino, tout au néon… Un employé me demande ce que je fous là, m’indique la sortie, je marche dans le froid jusqu’à l’hôtel… Ascenseur, chambre, m’affale enfin…
>          Avoir eu un réveil difficile à 5 heures du matin… Dans le noir j’appelle le room service et me plains terriblement du fléchage qui n’est pas clair dans les casinos. J’ai failli me perdre dans votre bordel monsieur ! La nana au bout du fil ne comprend rien, je suis encore complètement bourré, j’ai faim, je commande un Cheeseburger, des frites et des Coronas… Un Chinois m’apporte tout ça sur un chariot et je mange comme un gros porc en regardant le rodéo sur une chaîne spécialisée dans le rodéo... Mince ça a l’air dur de tenir sur le cheval… Je descends, vais me promener dans la rue. Il fait super froid et mauvais temps à las Vegas ville connue pourtant pour ses 250 jours de beau temps par an. Je vais du mauvais côté de la ville. Le long de boulevards infâmes je croise tous les nécessiteux de la ville du fric… Des clochardes noires tarées qui font les poubelles, des sortes d’indiens derrières des échoppes préhistoriques « visit Las Vegas » qui ne donnent pas envie, des WASP gros dans des boutiques de souvenirs qui foutent le blues tellement c’est glauque, éclairé au néon, fatigué… Putain le décalage… Mes pas me mènent jusqu’au vieux Las Vegas, le centre historique des casinos, là ou s’est forgée la légende de la ville, là ou se trouve la tour, et surtout le « Rivieira ». Dans « Casino » de Scorcese à un moment Sharon Stone parle du «Rivieira ». Même que ce film est une de mes absolues références parce que c’est une allégorie biblique (Adam et Eve chassés du paradis) couplé à une mise en scène de génie qui recrée un monde disparu. A Grenoble à l’époque je soûlais tout le monde avec ce film.  Et là me voilà devant le « Rivieira ». Alors je rentre dans le « Rivieira » pour voir la légende, déjà que j’hallucine qu’il soit encore là ce Casino, le Stardust par exemple ils l’ont pétés… Eh ben le « Rivieira » c’est pas joli joli… Des vieilles moquettes défraîchies, des vieux croupiers fatiguées en nœud papillons qu’on dirait des rescapés de l’époque du film, les années 70, ou des personnages du jeu « Streets of Rage » sur Megadrive, tout plein de luxe certes, mais à un « standard » inférieur au reste de la ville, ce qui automatiquement fait « cheap ». Ca fout le blues… comme un décor qui a pas changé alors que l’époque a changé. Plus tard j’entre dans un Macdo ultramoderne qu’on dirait un multiplex de cinéma tellement c’est grand, et y mange d’importantes quantités. Ainsi extrêmement lourd et perclus du typique sentiment d’écœurement post-macdo je rentre au Casino. Y croise des tas de types de l’entreprise, et Joséphine, qui me raconte comment elle a « pécho » un type qui l’a ramené en Hummer de la boîte « Nan mais tu vois on est arrivé dans la chambre, y avait ma roomate qui dormait alors on est allés dans la salle de bains, il s’est mis direct à poil, on a tapé plein de coke et on a baisé par terre mais super fort tu vois ? C’est sûr que l’autre elle a entendu, je savais plus ou me mettre après… ». C’est trop une romantique Joséphine. Ascenseur, chambre, m’affale…
>            Avoir été réveillé dans un désagréable état d’angoisse, il faisait nuit, et m’être un instant demandé quelle était cette ville étrange dehors par la fenêtre. 3 heures du matin merde. Me fais couler un bain, regarde à la télé murale l’émission « Cops » avec les vidéos de flics américains arrêtant des fuyards… Le service room fonctionne même la nuit. Je commande encore un cheeseburger et des frites. M’en fous tout est payé… La tête renversée en arrière, léger bruit de clapotis du bain, je suis seul et à l’aise. A l’aise car enfin libéré de ces Boukrah-Bledah-Cauchemardah mes collègues de bureau, des gens très inélégants et prétentieux, indécrotablement « pensée automatique », très « cheap ». Du genre à trouver scandaleux le vote contre les minarets et à se chamailler pour savoir qui a passé le plus de temps dans la BMW M5 du boss pour aller visiter des clients. Dans Voyage au bout de la nuit y a un passage qui décrit comment des patientes s'engueulent sur la puanteur comparée de leurs merdes lorsqu'elles vont à la selle, assurant à l’autre que leur merde pue davantage. Je bosse chaque jour avec des gens comme ça. Toute l'année astreint à résidence, gentil petit employé de bureau contraint à cordialité avec des horribles collègues, coercisé de partout, étroitement tenu en respect par l’espoir de gagner de la thune en persévérant et le risque de la ruine et du déclassement en envoyant tout chier, la carotte et le bâton… Mais là d'un coup on est libéré de tout cela, on entre dans une autre classe sociale, celle des gens qui échappent au monde du travail. Faut pas se laisser prendre au jeu, faut bien garder les pieds sur terre, comprendre que bientôt la vacherie recommencera, rester assuré que toute cette féerie n’est qu’un sursis…
> Avoir entendu le réveil sonner… 11 heures merde… Me douche et m’habille en vitesse… Faut aller au « shooting range »… C’était prévu… On nous a réservé 30 minutes chacun dans un stand de tir, à toi de choisir l’arme avec laquelle tu veux tirer : Beretta, M-16, M-60, ak-47, Styer Hawk, Tech-9, ce que tu veux… Au Cambodge y a quelques années j’avais tiré avec un fusil à pompe, là je voudrais bien essayer un truc à rafales... Kalach’ ou M-16 ? Voilà la vraie question philosophique d’actualité puisque ton choix te range forcément dans une case… « sioniste » ou « anti-sioniste »… Pour tout un tas de raison je choisis le M-16… Un gros aryen à chapeau de cow-boy m’explique comment virer la sécurité mais je lui dis que merci j’ai vu « Platoon » j’connais moi… Je me sens plus péter… Je vide 2 chargeurs sur une cible représentant un malfrat cagoulé. La crosse du machin te revient dans l’épaule…En 1871 quand les Versaillais ont reconquis Paris les soldats foutaient les suspects torse nu pour vérifier qu’ils aient pas de trace sur l’épaule droite… Si ils avaient une trace cela signifiait qu’ils avaient tirés avec un fusil et donc étaient communards… En tirant au M-16 j’ai pigé… Une arme à longue portée ça a une putain de nervosité, un putain de recul qui te revient dessus à t’en faire mal,  autant dire qu’il vaut mieux se muscler et s’entraîner si tu veux viser juste… Mes deux chargeurs sont écoulés faut que je dégage… On nous a prévu une autre activité… On grimpe dans un bus qui nous emmène à l’aéroport… De là on monte dans un hélicoptère, 7 par appareil… On fait connaissance avec notre pilote, ancien militaire, pilotait des « Black Hawck » dans la première guerre d’Irak en 1991… Il est plutôt sympa le bonhomme, on l’accable de questions comme des racailles à une star croisée dans le métro et il répond à chacune en WASP flegmatique… On décolle, on se barre de la ville et on survole le désert puis le grand canyon avec « browned eyed girl » dans le casque, et on fait tous « La la la la la » lors du refrain, magnifique apesanteur, ô temps suspend ton vol… On survole comme ça des kilomètres de Canyon, plus de musique, silence total dans l’appareil on est abasourdis… Paysage lunaire… Dans les micros-casques on parle de la guerre avec le pilote… a-t-il déjà reçu des rafales ? Oui. A-t-il déjà tué ? Non… Plus tard au bureau quand je raconterai cet épisode, la face de rat collègue intitulée Fawzi s’écriera pharisien : « pilote de guerre en Irak ? Ah ouais encore un qui ira en enfer ! »… Seigneur pardonnez leur ils ne savent pas de quoi ils parlent… En attendant on survole le désert, une immensité jaune et puis rouge ou pas âme ne vit à des kilomètres à la ronde… « c’est ici que Total Recall a été tourné » nous dit le pilote en désignant un endroit sur la gauche et on le croit sur parole… Et puis on fait demi-tour (demi-tour en hélico à 700 mètres d’altitude au dessus d’un canyon c’est quelque chose) et on retourne à Vegas. Après des plombes la ville émerge de nulle part, corroborant absolument le poncif « ville bâtie au milieu du désert »… On survole l’incroyable disneyland de tours et de casinos et on se pose… C’est déjà fini, comme tout ce qui est agréable. Je rentre à l’hôtel, croise dans le hall à une table de Poker des Allemands de ma boîte que j’ai vu là il y a plusieurs heures. Ils me disent juste qu’ils font une partie continue depuis 14 heures non-stop et que l’un d’eux a perdu 5000 dollars… Ben merde alors…

> Avoir eu des retrouvailles avec les 59 connards gracieusement invités dans un magnifique restaurant du Casino avant d’aller au XS, la boîte la plus chère du monde. Au resto je m’attable avec Joséphine et des tas de céfrans de la boîte. Chacun parle de son parcours personnel, je raconte le mien brièvement, Grenoble, Nhatrang, Hongkong etc… et à ma grande surprise je deviens le point d’attraction de la table, tous les regards tournés vers moi, on me pose des tas de questions, on s’intéresse on s’enquiert beaucoup de mon point de vue… Les gens me trouvent « cool », me disent des choses gentilles… Cela ne m’est plus arrivé depuis des années… On parle du fait de sortir, se saper ou ne pas se saper… Joséphine n’apprécie pas le saumon au safran « ça a pas de goût… ‘tain merde ! » Commente-t-elle énervée…

La discussion bifurque sur les mérites comparés des mentalités des filles asiatiques et européennes dans leur rapport aux mecs. « ils savent pas cuisiner chépa… » qu’elle s’indigne encore dans son coin… On finit tous par convenir que la femme idéale serait une mentalité asiatique dans un corps de caucasienne…« Eh mais c’est super dégueulasse quoi !» qu’elle s’exclame Joséphine en tapant sur la table, ce qui provoque un gros bruit de couverts.

On est dans un resto de palace et elle gueule, tout le monde se marre un bon coup… A la table d’à côté y a deux allemandes de la boîte qui me sourient quand je leur souris à chaque fois que je me lève pour accompagner les autres fumer… Marina Koestler et Mathilda Schtadthauser… Je pense alors à la vie des « beaux gosses »... Eux leur vie c’est comme ça tout le temps. Ils sont à une table de resto, et la meuf qu’ils niqueront le soir même leur sourit déjà. Ils la recroiseront en boîte plus tard, lui parleront avec beaucoup d’aisance, la ramèneront avec aisance, la niqueront avec aisance, se sachant quoi qu’il arrive aimés, se sachant quoi qu’il arrive beaux… « Eh Darbois t’es avec nous ? » me demande quelqu’un… Pardon je cogitais… Plus tard au XS la fameuse boîte la plus chère du monde selon la légende, on est tous là squattant un « carré vip » ravitaillé à volonté en alcool… L’établissement est plein à craquer de centaines de salopes en minijupe en contrebas dans la fosse…

C’est le dernier soir, demain on reprend l’avion. On se met tous des rinces déraisonnables, le monde flotte autour de nous, dense atmosphère de salopes en leggin et décolletés qui mènent aux seins, de bouteilles variées et de sons RnB du moment… Je déteste les boîtes mais là c’est le bonheur il faut le dire… Surtout que les deux allemandes Marina et Mathilda respectivement bouclée brune au visage très « biche » et poupée longiligne extrêmement blonde m’élisent leur coqueluche de la soirée m’invitent régulièrement à danser collé-serré « en doublette » entre elles deux et me câlinent énormément…Je les appelle les « baby doll ».  

Le « CEO » règle à la barmaid une note de mi-soirée. Sur le lecteur de carte bancaire je peux lire par-dessus son épaule un montant en dollars : « 8174 ». Son assourdissant, clignotage de loupiotes, sueur et cris chuchotés à l’oreille…Thomas, un céfran du dîner me chope ivre par le cou et désigne la foule qui danse en contrebas, il tient absolument à me montrer quelque chose: « TU VOIS ! NOUS ON EST LA ON EST DES KINGS ! ET EUX EN BAS ILS SONT LA !... ON LES ENCULE !... C’EST CA MEC !... »… Certains ont l’alcool mauvais, lui il l’a tout en finesse et métaphores. Faut que j’aille au toilettes, tâchant de m’extraire de la fourmilière je me cramponne plus ou moins à des bras et à des seins de passage… Les toilettes ça y est… Dedans c’est plein de larbins indiens payés au pourboire… un larbin dans mon dos me brosse la veste pendant que je pisse…

Au lavabo, même pas le temps de chercher des serviettes pour s’essuyer les mains car un type me tend des serviettes « make yourself at home sir ! »… Puis il me montre un étalage rempli de parfums…  « some perfume sir ? » ils ont même Aqua di Gio pour remédier à la transpiration. Et des tas de lotions pour la peau et tout. Gratos. Ils pensent à tout ici c’est fou. De retour sur le dance floor il faut bien appeler les choses par leur nom, ce séjour à Las Vegas se termine dans une apothéose de nanas ravies fines du nombril et bouches en cœur, leggin et jambes qui vont avec, et vernis au millimètre, verres brandis en l’air à la santé d’on ne sait qui, lorsque retentit la chanson « empire state of mind » un machin RnB inconnu au bataillon, ça vient juste de sortir apparemment…

Mille personnes de la boîte tous bras levés, « New York New York…. », les allemandes à mes bras, Marina écrase ses seins contre mon torse et m’assure que je dois venir chez elle, la merderie du quotidien au bureau autant dire que c’est bien loin, mince c’est si facile tout d’un coup… C’est l’année 2009 qui se termine, « New York New York », on en a chié terriblement cette année (cf pages précédentes de ce blog), c’est la communion des riches, tiens voilà Joséphine qui me prend dans ses bras aussi « darboooois ! » grâce au fric dont on a plus à se soucier tout le monde s’aime, l’émotion est portée au plus haut comme ces verres au bout des bras levés, forêt de bras et de verres levés, épaisseur de l’air chargé de la musique, exultation, communion, à en délirer absolument… C’est de ça qu’on manque dans nos vies… L’émotion… c’est trop j’en tourne Madeleine… On est fait pour être des gens ensemble qui cheminent dans une direction commune que je me dis, avec un but commun, et on a besoin ensemble d’exulter de tout se pardonner, de se trouver mutuellement formidables, exactement ce qui se passe à ce moment précis… C’est d’Eglises pleines que l’on manque, de chants grégoriens et de Gospel, de transes et de pleurs, de béatitude et d’agenouillement, on en manque on en crève on ne veut pas vivre ainsi comme des cochons en porcherie, amputés en esprit… On a faim on veut des nourritures spirituelles, des Amériques à découvrir, « these streets will make you feel brand new, big lights will inspire you  » qu’elle dit la chanson… C’est assez fort comme moment, faut l’écouter pour se faire une idée. 


Moment exutoire, défouloir comme si PSG gagnait au tir aux buts, l’alcool et le stade, eucharisties de substitution, les péchés des Blancs qui errent dans le monde coupé de transcendance, parce que ce monde ne croit plus, parce qu’on ne sait plus comment croire… Mon Dieu faites que ce moment si alcoolisé soit-il serve à nous montrer qu’il vaut la peine de vous chercher… Enfin merde peut être que je délire que c’est l’alcool, mais je veux croire que depuis 2000 ans les hommes ont communiés dans des églises dans des prairies, se sont repus de fêtes, de catharsis, d’adoration, de veillées, de succion directe de la moelle de la vie, d’aspergement d’eau bénite, d’orgasme de l’esprit, de rassasiement… Et que tout ça ils le faisaient sans alcool et que ce qu’ils ressentaient ensemble était au moins aussi fort que ce que l’on vit ici et maintenant… La vie ça va si vite… On a déjà 27 ans, moi et tous ces cons tout autour pleins de sourires et de décolletés et de dollars… On vit des choses incroyables et le lendemain déjà l’on ne s’en souvient plus, mais si plus tard un camarade te remémore le souvenir cela suscitera à peine un petit « ah mais ouais on avait fait ça! » surpris… Pourtant ce moment a existé. Devant moi des tas de types se tapent dans la main ravis, des tas de nanas se font des bisous, je me sens bien aimé, impression de flotter… Alors avant de redescendre sur Terre, avant de prendre l’avion demain et de me baigner à nouveau dans l’effroyable tumulte du monde du travail, avant que la saloperie ne reprenne son plein droit, il reste encore à écouter le dernier refrain qui dit  « New York New York » …

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